Cass. com., 9 octobre 2019, n°18-12.162 et 18-12.592
La transaction qui fixe, pour solde de tout compte, le montant de la dette d’un tiers envers la société en liquidation a pour objet le recouvrement des créances de celle-ci, pour lequel aucun droit propre ne fait échec au dessaisissement.
Ainsi, le représentant légal de la société en liquidation exerçant les droits propres de cette société n’est pas recevable à contester l’autorisation de transiger délivrée par le juge-commissaire au liquidateur, lequel a le monopole du recouvrement des créances. De plus, l’ancien gérant et créancier de la société en liquidation n’est affecté qu’indirectement par l’ordonnance autorisant le liquidateur à transiger sur le montant d’une créance de la société en liquidation, si bien que le recours de l’article R.621-21 du Code de commerce lui est fermé contre cette décision.
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Une société a été mise en redressement puis liquidation judiciaire par des jugements des 15 octobre 2012 et 17 décembre 2012.
Le liquidateur de cette société a demandé au juge-commissaire l’autorisation de transiger avec une cliente de la société en liquidation, sur le montant des sommes restant dues à cette dernière. Devant le juge-commissaire, le gérant de la société depuis le 10 février 2012, s’est opposé à la transaction, dont il estimait le montant insuffisant par rapport à celui de la dette réelle.
Un ancien gérant de cette même société, qui invoquait ses qualités de dirigeant de celle-ci jusqu’au 10 février 2012 et de créancier, au titre du solde créditeur de son compte courant d’associé, et faisait valoir également qu’il avait été condamné, solidairement avec le gérant actuel, à supporter une partie du passif fiscal de la société en liquidation, est intervenu volontairement devant le juge-commissaire pour s’opposer à la demande du liquidateur. Le gérant et l’ancien gérant ont donc formé un recours contre l’ordonnance autorisant la transaction, qui a été rendue le 30 décembre 2015.
Par un jugement du 20 juin 2016, le recours du gérant a été déclaré irrecevable, tandis que celui de l’ancien gérant a été rejeté. Dans le premier cas, les juges ont fondé leur décision sur l’absence d’intérêt à agir tandis que dans le second cas, c’est l’appréciation du fond qui a conduit au rejet de la demande. Tous deux ont interjeté appel de cette décision.
La cour d’appel de Colmar a confirmé le jugement du 20 juin 2016. Le gérant et l’ancien gérant ont alors tous les deux formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt en date du 9 octobre 2019, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du gérant, au motif que la transaction qui fixe, pour solde de tout compte, le montant de la dette d’un tiers envers la société en liquidation a pour objet le recouvrement des créances de celle-ci, pour lequel aucun droit propre ne fait échec au dessaisissement. Ainsi, le représentant légal de la société en liquidation exerçant les droits propres de cette société n’est pas recevable à contester l’autorisation de transiger délivrée par le juge-commissaire au liquidateur, lequel a le monopole du recouvrement des créances.
Le pourvoi de l’ancien gérant est également rejeté, au motif que ses droits et obligations, en qualité de créancier de la société en liquidation ou d’ancien dirigeant tenu de supporter une partie du passif fiscal de celle-ci, n’étaient affectés qu’indirectement par l’ordonnance autorisant le liquidateur à transiger sur le montant de la créance de la société. L’ancien dirigeant ne pouvait donc pas former un pourvoi au titre de l’article R.621-21 du Code de commerce.
Pour rappel, l’article R.621-21 du Code de commerce dispose : « [Les ordonnance du juge-commissaire] peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe. »
Le rejet de ce second pourvoi fait donc écho à une décision récente de la Cour de cassation qui avait jugé que le créancier nommé contrôleur ne pouvait agir dans l’intérêt collectif des créanciers qu’en cas de carence du mandataire judiciaire ou du liquidateur. Il en résulte qu’il n’a pas qualité pour former, sur le fondement de l’article R. 621-21, un recours contre une ordonnance rendue, à la demande du mandataire ou du liquidateur, par le juge-commissaire (Cass. com., 30 janv. 2019, n°17-20.793).
Dans un contexte où l’on constate une volonté de plus en plus affirmée du législateur de préserver les droits des créanciers, ces décisions récentes renforcent le monopole du mandataire en matière de recouvrement des créances. Celui-ci dispose de tout pouvoir à cet effet et ce monopole ne peut être altéré par les désaccords ponctuels exprimés par certains créanciers ou dirigeants de la société en liquidation.