Cass. soc., 12 juin 2019, n°17-26.197
L’action en nullité de la transaction exercée sur le fondement de l’article L.632-1, I, 2° du Code de commerce en vertu duquel « est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie », relève de la compétence du tribunal de la procédure collective, quand bien même cette transaction aurait été conclue, au bénéfice d’un salarié, par suite de son licenciement pour motif économique.
En poursuivant la nullité d’un acte sur le fondement des dispositions relatives aux nullités des actes accomplis pendant la période suspecte (L.632-1 et s. du Code de commerce), le liquidateur n’agit pas en lieu et place du débiteur dessaisi, partie à la transaction critiquée, mais agit au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers de la procédure collective.
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Après avoir été licencié pour motif économique, un salarié a conclu avec son employeur – en mars 2014 – une transaction lui allouant une indemnité de 267.000 euros. En octobre 2014, l’entreprise est placée en redressement judiciaire et en mars 2015, en liquidation judiciaire ; la date de cessation des paiements est fixée par le tribunal au 20 avril 2013, soit antérieurement à la conclusion de la transaction.
Considérant que cette transaction est déséquilibrée, le liquidateur judiciaire assigne devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective de l’entreprise, sur le fondement des nullités de droit de la période suspecte et plus précisément de l’article L.632-1, I, 2° du Code de commerce aux termes duquel « est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie », l’ancien salarié pour obtenir la nullité de la transaction et le remboursement de l’indemnité versée.
Soutenant que le litige relevait de la compétence du conseil de prud’hommes en application de l’article L.1411-1 du Code du travail et que le liquidateur judiciaire exerçait l’action en lieu et place de son ancien employeur, partie à la transaction, le salarié a soulevé une exception de compétence qui a été rejetée par les juges du fond.
La Haute juridiction approuve la cour d’appel et rejette le pourvoi aux termes d’attendus limpides :
« Mais attendu, d’une part, que l’arrêt énonce exactement que l’action en nullité de la transaction, fondée sur l’article L.632-1 I 2°, du Code de commerce selon lequel est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie, est née de la procédure collective et soumise à son influence juridique et qu’elle relève, par conséquent de la compétence spéciale et d’ordre public du tribunal de la procédure collective édictée à l’article R.662-3 du Code de commerce, qui déroge aux règles de compétence de droit commun ;
Attendu, d’autre part, que le liquidateur qui demande à titre principal la nullité d’un acte sur le fondement des dispositions de l’article L.632-1 I 2°, du Code de commerce ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers de sorte que le moyen qui soutient que le liquidateur a agi en qualité de représentant de l’employeur, partie à la transaction, est inopérant ; »
Cette décision est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler la primauté de compétence du tribunal de la procédure collective qui, en application de l’article R.662-3 du Code de commerce, connaît de toute action née de la procédure collective ou soumise à son influence juridique (par ex. Cass. com., 18 mai 2017, n°15-23.973, à propos d’un contrat de vente immobilière).
L’action en nullité des actes accomplis en période suspecte est une action née par l’effet de la procédure collective, dont l’objectif « est de reconstituer l’actif du débiteur » (L.632-4 du Code de commerce) ; en l’exerçant il est dès lors patent que le liquidateur agit dans l’intérêt collectif des créanciers de la procédure collective et que la compétence spéciale et d’ordre public du tribunal de la procédure collective justifie qu’il soit dérogé aux règles du droit commun.
A rapprocher : Articles L.632-1 I 2°, L.632-4 et R.662-3 du Code de commerce ; article L.1411-1 du Code du travail ; Cass. com., 18 mai 2017, n°15-23.973