Cass. com., 24 janvier 2018, n°16-13.333
D’une part, l’avis écrit du ministère public n’a pas à être communiqué aux parties lorsqu’il est sans influence sur la solution du litige. D’autre part, l’administrateur judiciaire dispose de la faculté de mettre un terme à tout moment au bail, nonobstant le règlement des loyers échus pendant la période d’observation et l’existence de fonds suffisants pour le paiement des loyers à échoir.
Ce qu’il faut retenir : D’une part, l’avis écrit du ministère public n’a pas à être communiqué aux parties lorsqu’il est sans influence sur la solution du litige.
D’autre part, en application des dispositions de l’article L.622-14 du Code de commerce, l’administrateur judiciaire dispose de la faculté de mettre un terme à tout moment au bail, nonobstant le règlement des loyers échus pendant la période d’observation et l’existence de fonds suffisants pour le paiement des loyers à échoir. La résiliation est effective dès le jour où le bailleur en est informé, peu important le fait que l’administrateur judiciaire ait indiqué que la résiliation interviendrait à une date ultérieure.
Pour approfondir : En l’espèce, suivant jugement du 30 mars 2010, une société a été placée en procédure de sauvegarde et a bénéficié d’un plan de sauvegarde le 14 septembre 2011. Le même jour, les administrateurs judiciaires ont informé la société bailleresse de la résiliation de trois baux consentis à leur administrée sur des immeubles utilisés pour son activité. La bailleresse a saisi le juge-commissaire aux fins de voir déclarer ces lettres de résiliation inopposables à son égard.
Par un arrêt en date du 27 janvier 2016, la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion rejette les demandes de la bailleresse.
La société bailleresse forme un pourvoi en cassation.
Dans son premier moyen, elle fait grief à l’arrêt de dire que la résiliation des baux lui est opposable alors que l’avis du ministère public, visé au dispositif de l’arrêt attaqué, a été donné par voie de conclusions écrites sans lui être communiqué de sorte qu’elle n’a pas été en mesure d’y répondre.
Dans son deuxième moyen, elle soutient, d’une part, que les administrateurs judiciaires ne pouvaient pas mettre fin aux baux le dernier jour de la période d’observation après avoir poursuivi l’exécution de ces derniers pendant dix-huit mois sans justifier d’une insuffisance de fonds pour le paiement des loyers à échoir et, d’autre part, que l’option de non-continuation assortie d’un effet différé est irrégulière de sorte qu’elle ne saurait entraîner la résiliation du contrat.
Par un arrêt du 24 janvier 2018, publié au bulletin, la Cour de cassation rejette les deux moyens.
Concernant le premier moyen, elle rappelle que l’avis écrit du ministère public n’a pas à être communiqué aux parties lorsqu’il est sans influence sur la solution du litige. Or, en l’espèce, la mention “vu et s’en rapporte, le 24 octobre 2014” avec le tampon et la signature d’un magistrat du parquet général près la cour d’appel était apposée sur la cote du dossier de la procédure. Cette solution vient confirmer la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière (Cass. com., 20 avril 2017, n°15-20.356).
Concernant le deuxième moyen, elle rappelle, d’une part, que si les administrateurs judiciaires ont l’obligation, en application de l’article L.622-13 II du Code de commerce, de résilier un contrat à exécution successive à défaut de fonds suffisants pour acquitter le terme suivant, ils conservent dans tous les cas la faculté (discrétionnaire) de mettre un terme à tout moment aux baux, conformément aux dispositions de l’article L.622-14 du Code de commerce, et ce nonobstant l’existence de fonds permettant de régler les loyers à échoir
D’autre part, elle retient que la résiliation est effective dès le jour où le bailleur en est informé. Ainsi, le fait d’indiquer que la résiliation interviendrait à une date ultérieure n’a pas pour effet de la rendre irrégulière ou d’en différer la date conformément aux dispositions de l’article L.622-14 du Code de commerce.
Cette décision est très intéressante en pratique. En effet, d’une manière générale, les administrateurs judiciaires résilient le contrat de bail avec une date à effet différé pour permettre le déménagement. La solution revient à conserver l’efficacité de la résiliation tout en neutralisant son effet différé.
A rapprocher : Cass. com., 20 avril 2017, n°15-20.356 ; L.622-13 du Code de commerce ; L.622-14 du Code de commerce