Cass. crim., 17 janvier 2018, n°16-87.135
Le dirigeant d’une entreprise en difficulté se rend coupable du délit de banqueroute par détournement d’actif lorsque, dans le cadre d’un transfert d’activité, il détourne au moins une partie de la clientèle de cette entreprise au profit d’une autre société dont il est également le gérant.
Ce qu’il faut retenir : Le dirigeant d’une entreprise en difficulté se rend coupable du délit de banqueroute par détournement d’actif lorsque, dans le cadre d’un transfert d’activité, il détourne au moins une partie de la clientèle de cette entreprise au profit d’une autre société dont il est également le gérant.
Pour approfondir : En l’espèce, la société X, dont la principale activité était la collecte et l’affranchissement du courrier industriel, a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire avec autorisation de poursuite exceptionnelle de l’exploitation.
Dans son rapport, le liquidateur évoquait une possible banqueroute par détournement d’actif de la part du gérant de la société X. Ce dernier avait en effet créé avec l’un de ses associés, un an auparavant, une autre société Y dont il était également le gérant, laquelle était domiciliée à la même adresse que la société X, et avait repris certains des salariés de cette dernière, ainsi qu’une partie de son matériel et de ses véhicules.
Le procureur de la République a fait procéder à une enquête préliminaire, à l’issue de laquelle il a engagé des poursuites contre le gérant, du chef de banqueroute par détournement d’actif, lui reprochant notamment d’avoir utilisé indûment le fichier clients de la société X d’une valeur estimée à 561 000 euros.
Par jugement en date du 11 décembre 2014, le tribunal correctionnel d’Amiens a déclaré le gérant de la société X coupable de ce délit de banqueroute. Ce dernier, ainsi que le mandataire liquidateur, ont relevé appel de cette décision.
La Cour d’appel a relevé que seule la confusion entre les deux sociétés – même siège social, même logo, même personnel, mêmes véhicules, mêmes numéros de client – a permis au gérant, en sa qualité de gérant de la société Y, de récupérer en douceur cette clientèle, sans alerter quiconque, et de priver ainsi la société X d’un élément incorporel de son fonds de commerce qu’il aurait sinon dû monnayer.
La Cour d’appel d’Amiens, le 27 juin 2016, a ainsi également déclaré le gérant coupable du délit de banqueroute, l’a condamné à payer la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts au liquidateur en réparation de la perte de l’actif, à trois mois d’emprisonnement avec sursis, à 20 000 euros d’amende et à cinq ans d’interdiction de gérer. Le gérant a formé un pourvoi.
La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt en date du 17 janvier 2018, visant notamment les articles L.654-2 et suivants du Code de commerce, considère que la Cour d’appel a justifié sa décision concernant la culpabilité du prévenu : « … en l’état de ces énonciations, dont il résulte que, dans le cadre plus général d’un transfert d’activité, au moins une partie de la clientèle de la société (X) a été détournée par des agissements personnels du prévenu, au profit d’une autre société dont il était également le gérant, la Cour d’appel a justifié sa décision».
Il est à noter que la Haute juridiction casse cependant l’arrêt de la Cour d’appel en ses dispositions relatives aux peines prononcées.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a déjà eu à se prononcer sur un cas de détournement de clientèle du débiteur par son dirigeant, notamment dans un arrêt en date du 14 février 2007 (Cass. crim., 14 février 2007, n°06-86.721). Elle avait alors retenu que l’attribution de la jouissance gratuite de sa clientèle par une société à son dirigeant constituait un cas de banqueroute par détournement d’actif.
A rapprocher : Articles L.654-1, L.654-2, L.654-3 du Code de Commerce ; Cass. crim., 14 février 2007, n°06-86.721