CA Aix en Provence, 27 juin 2019, n°2019/267
L’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce allouant, dans le cadre d’une procédure de conciliation, des délais de paiement en application de l’alinéa 5 de l’article L.611-7 du Code de commerce, ne peut faire l’objet d’aucune voie de recours. Ainsi, l’appel interjeté par le créancier à l’encontre d’une telle ordonnance ne peut qu’être déclaré irrecevable.
En l’espèce, la société B sollicite et obtient l’ouverture d’une procédure de conciliation au cours du mois d’août 2018.
Au cours du mois d’octobre 2018, son bailleur, la société E, décide de la mettre en demeure de lui verser des loyers dus et à échoir.
C’est dans ces conditions que la société B décide d’assigner la société E devant le président du tribunal de commerce compétent et statuant en la forme des référés, aux fins d’obtenir un délai de paiement de 24 mois, et ce en application des dispositions de l’alinéa 5 de l’article L.611-7 du Code de commerce lequel dispose que :
« Au cours de la procédure, le débiteur mis en demeure ou poursuivi par un créancier peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l’article 1343-5 du Code civil. Le juge statue après avoir recueilli les observations du conciliateur. Il peut subordonner la durée des mesures ainsi prises à la conclusion de l’accord prévu au présent article. Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat ».
Le président du tribunal de commerce fait droit à cette demande et accorde à la société B un délai de paiement de 12 mois.
La société E décide d’interjeter appel estimant que la société B a détourné la procédure de conciliation en l’assignant le dernier jour de cette procédure, soit à un moment où celle-ci ne pouvait plus aboutir. Elle estime également que la société B ne démontre pas en quoi la situation nécessite qu’un délai de paiement lui soit accordé.
La société E estime, quant à elle, que cet appel est irrecevable dans la mesure où cette voie ne peut prospérer à l’encontre des ordonnances du président du tribunal de commerce saisi aux fins d’obtention de délais de paiement dans le cadre d’une procédure de conciliation.
Par arrêt rendu le 27 juin 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette le recours formé par la société E.
En effet, les juges du fond rappellent que :
« L’article L.661-1 du Code de commerce, qui régit les voies de recours en matière des difficultés des entreprises, énumère de manière limitative les décisions susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation ; cet article ne prévoit pas la possibilité d’un recours concernant les décisions du président du tribunal de commerce statuant en application de l’article L.611-7, alinéa 5.
En matière de prévention des difficultés des entreprises, de mandat ad hoc et de procédure de conciliation régie par le titre Premier du livre VI du Code de commerce, seules la décision d’ouverture de la procédure, au bénéfice du ministère public, et la décision du jugement d’homologation de l’accord sont prévues comme susceptibles d’appel, respectivement par les articles L.611-3 et L.611-10.
Il résulte de ces dispositions que le législateur n’a pas entendu ouvrir la voie de l’appel ou de la cassation à l’encontre de l’ordonnance du président du tribunal de commerce allouant dans le cadre d’une procédure de conciliation des délais de paiement en application de l’article L.611-7, alinéa 5 du Code de commerce ».
Cette décision confirme la jurisprudence rendue en la matière dans un objectif de protection accrue du débiteur recourant à la procédure de conciliation afin de traiter ses difficultés en amont.
A rapprocher : Article L.611-7, alinéa 5 du Code de commerce ; CA Douai, 27 mars 2007, n°06/01096 ; CA Aix-en-Provence, 10 octobre 2013, n°12/17372 ; Obtention de délais de paiement dans le cadre de la procédure de conciliation, par Marie ROBINEAU