Cass. com., 13 avril 2022, n°20-20.137
Il résulte de l’article L. 651-2 du Code de commerce qu’en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.
La rupture brutale des relations commerciales établies, analysés en un manque de vigilance de sa part, ne permet pas d’établir que celui-ci a commis une faute de gestion non susceptible d’être analysée en une simple négligence.
En l’espèce, une société commerciale a été mise en liquidation judiciaire à la suite d’une rupture brutale de ses relations commerciales avec son client unique.
La responsabilité pour insuffisance d’actif du dirigeant a été recherchée par le liquidateur ainsi désigné.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné le dirigeant, d’une part pour lui imputant une faute de gestion pour avoir « manqué de vigilance en engageant la société dans une activité reposant sur un seul client sans trouver de moyen de garantir la pérennité des relations commerciales », et d’autre part pour ne pas avoir trouvé de « moyen de garantir la pérennité des relations commerciales ».
Le dirigeant s’est pourvu en cassation estimant tout d’abord que la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif ne pouvait être engagée en cas de simple négligence dans la gestion de la société ; le manque de vigilance pouvant tout au plus constituer une négligence toutefois insusceptible de caractériser une faute de gestion de celui-ci.
Au soutien de son pourvoi le dirigeant considérait par ailleurs que le principe de liberté contractuelle ne pouvait permettre au dirigeant d’empêcher son co-contractant de mettre fin aux relations commerciales établies, de sorte qu’il n’avait donc en l’espèce aucun moyen d’influencer la décision de rompre prise par son co-contractant, excluant ainsi toute faute.
Par un arrêt du 13 avril 2022, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel au visa de l’article L. 651-2 du Code de commerce.
La Haute juridiction retient qu’« il résulte de ce texte qu’en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif est écartée ».
En réalité, cet arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler que pour engager la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif, il faut, outre la démonstration d’une faute de gestion, préciser en quoi cette faute est suffisamment grave pour ne pas être considérée comme une « simple négligence ».
En effet, s’il a déjà été jugé que le manque de vigilance du dirigeant peut être constitutif d’une faute de gestion (Cass. Com., 9 septembre 2020, n°18-12.444), la Cour de cassation rappelle ici qu’il appartient aux juges d’en établir la gravité, faute de quoi le manque de vigilance sera analysé en une simple négligence.
Par ailleurs en considérant que la Cour d’appel a privé de base légale sa décision en ne démontrant pas en quoi les faits d’espèce ne pouvaient pas être considérés comme une simple négligence, la Cour de cassation a saisi l’opportunité de rappeler qu’en sus d’établir en quoi les faits peuvent être analysés en une faute de gestion, les juges du fond doivent préciser en quoi la simple négligence doit être écartée en l’espèce (Cass. com., 10 juill. 2019, n°17-22.431 ; Cass. com., 10 juill. 2019, n°17- 26.977 17-977).
Cet arrêt est donc l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler la distinction jurisprudentielle entre la faute de gestion et la simple négligence, tout en l’appliquant au contentieux particulier de la rupture brutale des relations commerciales établies.
A rapprocher : Article L651-2 du code de commerce ; Cass. Com., 9 septembre 2020, n°18-12.444 ; Cass. com., 10 juill. 2019, n°17-22.431 ; Cass. com., 10 juill. 2019, n°17- 26.977 17-977