Responsabilité pour insuffisance d’actif et conversion en liquidation : exclusion des fautes commises au cours de la période d’observation du redressement
Ce qu’il faut retenir :
S’agissant de l’application de l’article L.651-2 du Code de commerce, la Cour de cassation rappelle que seules les fautes de gestion antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective peuvent être prises en compte. La conversion d’un redressement judiciaire en liquidation judiciaire n’ouvrant pas une nouvelle procédure, les fautes commises durant la période d’observation du redressement judiciaire ne pourront ainsi donner à lieu à des sanctions sur le fondement de cette disposition.
Pour approfondir :
L’article L.651-2 du Code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal saisi peut, en cas de fautes de gestion, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté en tout ou en partie par les dirigeants de droit ou de fait ayant contribué à de telles fautes.
En l’espèce, une société a été placée en redressement judiciaire.
Le redressement a, par suite, été converti en liquidation judiciaire.
Dans ce cadre, le liquidateur ainsi désigné a assigné le dirigeant aux fins d’engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif, lui reprochant d’avoir poursuivi de manière abusive une activité déficitaire depuis le jugement d’ouverture du redressement judiciaire.
Par une décision en date du 23 septembre 2021, la Cour d’appel d’Amiens a débouté le liquidateur. Les juges du fond ont effectivement jugé que seule une faute du dirigeant antérieure à l’ouverture de la procédure collective pouvait donner lieu à l’engagement de sa responsabilité sur le fondement de l’article L.651-2 du Code de commerce. Or, en l’espèce, la poursuite de l’activité avait été encadrée judiciairement, ce qui ne pouvait donner lieu à des sanctions.
Le liquidateur s’est alors pourvu cassation.
Par le présent arrêt, la chambre commerciale de la Cour de cassation confirme ledit arrêt.
Elle rappelle, d’une part, que seules des fautes de gestion commises avant le jugement d’ouverture d’une procédure collective peuvent être sanctionnées sur le fondement de l’article L.651-2 du Code de commerce.
D’autre part, la Haute juridiction précise que dans l’hypothèse où la liquidation suit la période d’observation d’un redressement, le jugement de conversion du redressement en liquidation n’a pas pour effet d’ouvrir de nouvelle procédure.
Aucune sanction ne peut dès lors être prononcée du fait de la commission d’une faute de gestion pendant la période d’observation du redressement.
La chambre commerciale en déduit donc que la poursuite de l’activité déficitaire par le dirigeant entre le jugement d’ouverture du redressement et le jugement de conversion en liquidation judiciaire ne pouvait en l’espèce justifier une mesure de sanction au titre de l’article précité.
Un article rédigé par Clarence Dommee et Julie Ricau du département Affaires complexes