Refus de l’exequatur d’une sentence arbitrale contraire au principe de l’arrêt des poursuites individuelles

Refus de l’exequatur d’une sentence arbitrale contraire au principe de l’arrêt des poursuites individuelles

 

Ce qu’il faut retenir :

Est contraire à l’ordre public international, au mépris du principe de l’arrêt des poursuites individuelles, et donc ne peut se voir conférer l’exequatur, la sentence arbitrale qui, sur demande formée par un créancier après l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l’encontre d’un débiteur, condamne ce dernier à lui payer diverses sommes.

 

Pour approfondir :

La sentence arbitrale n’est susceptible d’exécution forcée qu’en vertu d’une ordonnance d’exequatur émanant du tribunal judiciaire dans le ressort duquel cette sentence a été rendue (C. proc., civ., art. 1487). Cependant, cet exequatur ne peut être accordé si la sentence est manifestement contraire à l’ordre public (C. proc. civ., art. 1488).

 

La décision commentée offre une belle illustration du principe posé par ce dernier article en matière de procédure collective.

 

En l’espèce, dans le cadre de deux contrats d’importation et de distribution de produits cosmétiques, et en application de la clause compromissoire qui y était stipulée, une société de droit français a saisi la CCI d’une demande d’arbitrage aux fins de voir condamner sa cocontractante, société de droit italien, au paiement de dommages et intérêts consécutifs à la résiliation, par elle, de ces contrats.

Par la suite, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’encontre de la société de droit français.

 

La société de droit italien a déclaré une créance au passif de la procédure puis a déposé un mémoire devant l’arbitre, contenant une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la débitrice au paiement de cette créance correspondant principalement à des factures impayées.

 

L’arbitre, a, dans sa sentence arbitrale, rejeté la demande d’indemnisation de la société de droit français et la condamnée à payer à la seconde, différentes sommes.

 

La société de droit français, débitrice en procédure de redressement judiciaire a interjeté appel de l’ordonnance ayant conféré exequatur à cette sentence arbitrale.

Les juges du fond ont infirmé cette ordonnance et donc rejeté la demande d’exequatur.

 

Selon le pourvoi formé par la société de droit italien, l’exequatur visait uniquement à voir reconnaître la décision en droit français et ainsi la rendre opposable, lui permettant ainsi de faire inscrire sa créance sur l’état des créances admises au passif de la procédure. Cette position semble faire écho à une distinction opérée par la Haute juridiction dans une décision récente (Cass. com., 12 nov. 2020, n°19-18.849)

 

Pourtant, dans cette dernière affaire, la sentence arbitrale condamnant le débiteur à payer avait été rendue avant l’ouverture de la procédure collective à son encontre.

 

La situation est bien différente en l’espèce.

 

C’est ainsi que dans son arrêt du 8 février 2023, publié au bulletin, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir refusé l’exequatur à la sentence arbitrale prononçant la condamnation de la débitrice, celle-ci étant contraire au principe de l’arrêt des poursuites individuelles.

 

De longue date, ce principe cardinal du Livre VI du code de commerce est considéré comme étant une composante de l’ordre public international (Cass. civ. 1re, 6 mai 2009, n°08-10.281).

En effet, il interdit, après l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’un débiteur, la saisine du tribunal arbitral, par un créancier dont la créance trouve son origine à une date antérieure à l’ouverture de cette procédure, lui imposant alors de déclarer sa créance, et de se soumettre ainsi à la discipline collective. Or, en l’espèce, la société de droit italien avait formulé sa demande reconventionnelle postérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société de droit français.

 

Dès lors, la société créancière ayant déclaré sa créance aurait dû reprendre l’instance arbitrale interrompue par le jugement d’ouverture en appelant à la cause les organes de la procédure, en application de l’article L. 622-22 du code de commerce.

 

Un article rédigé par Romane Holsynder, du département Entreprises en difficulté et Retournement

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