Cass. Soc. 16 février 2022 n° 20-14969 FS-B
L’indemnité de l’article L 1233-58 II alinéa 5, qui répare le préjudice résultant pour les salariés du caractère illicite de leur licenciement, ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui répare le même préjudice lié à la perte injustifiée de l’emploi.
Une société fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire puis d’un plan de cession. Dans ce cadre, un plan de sauvegarde de l’emploi est mis en œuvre et la Dreets homologue le document unilatéral. Cette décision est annulée par décision définitive du Conseil d’Etat (CE 7 décembre 2015 n° 386582 Société Mory Ducros / Syndicat CGT Transport MD).
De nombreux salariés saisissent la juridiction prud’homale à fin d’obtenir l’indemnité due au titre de l’article L 1233-58 II du code du travail. Ils sollicitent également des dommages et intérêts fondés sur un licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Si les juridictions du second degré acceptent la demande fondée sur l’article L 1233-58 II du code du travail et font parfois droit à la demande fondée sur un licenciement sans cause, elles refusent cependant toutes le cumul de ces indemnités (CA Versailles 19 septembre 2019 RG 17/05245 ; CA Lyon 5 février 2020 RG16/09040 ; CA Bordeaux 30 septembre 2021 RG 18/06744).
Un pourvoi est formé contre l’une de ces décisions au motif qu’aucune disposition légale n’exclue le principe du cumul des deux indemnités et que si l’indemnité fondée sur l’article L 1235-3 du code du travail a pour objectif la réparation du préjudice lié à la perte injustifiée de l’emploi, l’indemnité fondée sur l’article L 1233-58 II du code du travail a pour objet de réparer le caractère illicite du licenciement puisque l’annulation de la décision de l’autorité administrative ne rend pas le licenciement sans cause réelle ni sérieuse (Cass. Soc. 25 mars 2020 n° 18-23.692).
La question posée à la Cour était donc de savoir si l’indemnité de l’article L. 1233-58, II, alinéa 5 revêtait un caractère “autonome” destinée à indemniser l’irrégularité du licenciement, c’est-à-dire le préjudice né de la seule annulation de la décision d’homologation.
La Cour répond très précisément en excluant tout cumul, les deux indemnités réparant le même préjudice lié à la perte injustifiée de l’emploi. Elle retient la même solution en ce qui concerne l’inobservation des règles de l’ordre des licenciements. En revanche, l’arrêt est cassé, la Cour d’Appel ayant évalué le préjudice de manière forfaitaire alors « que l’étendue du préjudice subi par chacun des salariés doit s’apprécier au vu de leur situation personnelle et professionnelle particulière respective ».
À rapprocher : Cass. Soc. 16 février 2022 n° 20-14969 FS-B