Cass. com., 16 juin 2021, n°19-16.359
L’ancien gérant d’une société liquidée peut être condamné en comblement du passif, même révélé postérieurement à la cessation de ses fonctions, dès lors qu’il est démontré que l’insuffisance d’actif est née d’une faute de gestion commise par lui pendant l’exercice de ses fonctions et que les conséquences de cette faute de gestion conduisent à la démonstration d’une insuffisance d’actif à la date de sa démission.
Une société a été mise en redressement judiciaire en 2013, lequel a été converti en liquidation judiciaire la même année, tandis que son ancien gérant avait démissionné de ses fonctions l’année précédant l’ouverture des procédures. A l’occasion de sa démission, il avait été établi un état des finances de la société, validé et signé par les associés, démontrant que la société n’était pas en état de cessation des paiements.
Pourtant, cet ancien gérant s’est vu assigné en responsabilité et a été condamné par la cour d’appel au paiement d’une somme de 300.000 euros au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif aux motifs que le passif de la société, bien que révélé postérieurement à la cessation de ses fonctions, était constitué d’un passif fiscal relatif à des rappels de TVA et d’impôt sur les sociétés pour absence de dépôt de déclarations, correspondant à des périodes où il était gérant ; en conséquence de quoi la cour d’appel en a déduit que l’insuffisance d’actif existait au jour de sa démission.
La Cour de cassation, après avoir rappelé l’exigence du principe selon lequel, effectivement, l’insuffisance d’actif doit exister à la date à laquelle le dirigeant a cessé ses fonctions pour que sa responsabilité puisse être engagée à ce titre, casse l’arrêt d’appel, sans pour autant déjuger la cour. En effet, la Cour de cassation considère que la cour d’appel n’a pas suffisamment démontré qu’une insuffisance d’actif existait au jour précis de la démission de l’ancien gérant. Il semble que la prise en compte du seul passif révélé au cours de la procédure collective ouverte ultérieurement ne suffise pas ; la cour d’appel aurait dû procéder à une comparaison entre l’actif existant au jour de la démission du gérant et le passif relatif à sa gestion révélé ultérieurement, pour caractériser l’existence ou non de l’insuffisance d’actif à cette date précise.
En réalité, avec cet arrêt, la Cour de cassation semble accepter que soit pris en compte, pour condamner un ancien dirigeant en comblement du passif, le passif né pendant l’exercice de ses fonctions mais révélé postérieurement à sa démission, à condition que les juges contrôlent strictement l’existence de l’insuffisance d’actif à la date de la cessation de ses fonctions, par comparaison de l’actif existant et du passif latent à cette même date.
A rapprocher : Article L.651-2 du Code de commerce ; CA Aix-en-Provence, 24 janvier 2019