Cass. com., 2 juin 2021, n°19-24.154
Un créancier a un intérêt personnel et distinct des autres créanciers à agir contre la décision du juge-commissaire admettant la créance privilégiée d’un autre créancier dès lors qu’il peut obtenir le déclassement de cette créance en créance chirographaire et ainsi augmenter ses chances d’être payé au moment de la clôture de la procédure collective.
Une société a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, au passif de laquelle deux créanciers ont chacun déclaré une créance ; les deux créances ont été admises à titre privilégié.
L’un des créanciers a formé une réclamation contre l’état des créances pour contester le caractère privilégié de la créance hypothécaire de l’autre créancier. Le juge-commissaire a déclaré la requête en contestation recevable et sa décision a été confirmé par la cour d’appel.
Le créancier hypothécaire a formé un pourvoi en cassation, considérant qu’un autre créancier de la procédure collective n’était pas une personne intéressée au sens des articles L.624-3 et L.624-3-1 du Code de commerce, en ce qu’il n’a pas un intérêt personnel et distinct de celui des autres créanciers, à obtenir un déclassement, en conséquence de quoi il ne serait pas recevable à former une réclamation individuelle contre une décision du juge-commissaire admettant une créance.
En effet, le requérant estime que le créancier qui se prévaut d’un intérêt à augmenter ses chances d’être réglé de sa créance en obtenant le déclassement d’une autre créance, ne justifie pas d’un intérêt propre puisque cela relèverait au contraire de l’intérêt collectif de tous les créanciers, tant privilégiés que chirographaires.
La Cour de cassation confirme le raisonnement adopté par la cour d’appel. En effet, après avoir rappelé qu’un créancier, pour agir en contestation de la créance d’un autre créancier, doit effectivement invoquer un intérêt personnel et distinct de celui des autres créanciers pour discuter de l’existence, du montant ou de la nature de ladite créance, la Cour considère que le fait pour un créancier privilégié, de tenter d’obtenir le déclassement de la créance privilégié d’un autre créancier en créance seulement chirographaire vaut intérêt propre à agir, puisque que ce déclassement pourrait lui permettre d’obtenir une position plus avantageuse lors des répartitions après la réalisation des actifs du débiteur.
En revanche, rien ne permet d’affirmer que le raisonnement de la Cour aurait été le même s’il s’était agi du recours d’un créancier chirographaire à l’encontre de la créance d’un créancier privilégié ou encore d’un créancier chirographaire contre un créancier chirographaire également.
Cette décision a été rendue sur le fondement de la réglementation applicable en Polynésie Française mais elle semble être transposable à la réglementation applicable en métropole, sur le fondement de l’article L.624-3 du Code de commerce.
A rapprocher : Article L.624-3 du Code de commerce (ancien article L.621-105 du Code de commerce) ; CA Papeete, 8 août 2019, ch. civ., n°18/00334