Cass. com., 10 mars 2021, n°19-22.395
Le jugement prononçant l’irrecevabilité de la demande d’un créancier agissant dans une instance en cours afin de fixation de sa créance au passif, ne peut être assimilé à une décision de rejet prise par le juge-commissaire dans le cadre de la procédure de vérification du passif.
En l’espèce, à la suite de plusieurs incidents de paiement, un établissement bancaire a prononcé la déchéance du terme d’un prêt consenti à une société civile puis l’a assignée en paiement de sa créance devant le tribunal de grande instance.
Quelques mois plus tard, une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l’encontre de la société civile. La banque, après avoir déclaré sa créance au passif, la cède à un fonds commun de titrisation. Le 24 octobre 2013, la liquidation judiciaire de la société civile est finalement clôturée pour insuffisance d’actif.
Par la suite, le fonds de titrisation est intervenu dans le cadre de l’instance pendante devant le tribunal de grande instance en exposant venir aux droits de la banque. Par jugement du 22 mai 2014, le juge du fond déclare irrecevable sa demande de fixation de créance au passif de la société au motif que, la liquidation judiciaire emportant dissolution de la société débitrice, cette dernière n’avait plus d’existence.
Le fonds de titrisation assigne les deux associés de la société civile en paiement de la dette sociale, à proportion de leurs parts. Le tribunal fait droit à la demande du fonds.
Les associés de la société civile font alors appel du jugement en soutenant notamment que « toute décision par laquelle le juge rejette la demande en fixation d’une créance au passif d’une société en liquidation judiciaire emporte, quel que soit son motif, son extinction », selon eux, la créance étant éteinte le créancier ne pouvait donc plus les poursuivre. Une nouvelle fois les associés sont condamnés.
Le litige est porté par les associés devant la Cour de cassation, laquelle rejette le pourvoi en rappelant que le juge du fond, qui statue dans une instance en cours reprise conformément à l’article L.622-22 du Code de commerce, ne fait pas application de l’article L.624-2 du même code relatif à l’admission ou au rejet des créances par le juge-commissaire. Il en résulte, selon elle, que « la décision par laquelle ce juge déclare irrecevable la demande d’un créancier tendant à la fixation du montant de sa créance ne constitue pas une décision de rejet de cette créance entraînant, dès lors, l’extinction de celle-ci ».
La créance invoquée ne pouvant être considérée comme étant éteinte du seul fait du prononcé de l’irrecevabilité, le créancier conserve donc son droit de poursuite contre les associés de la société civile débitrice.
A rapprocher : Article L.622-22 du Code de commerce