Cass. com., 10 mars 2021, n°19-15.497
Le seul mode de saisine de la cour d’appel d’une opposition à un arrêt, rendu par défaut, ouvrant une liquidation judiciaire à l’égard des associés d’une société en nom collectif, est la déclaration au greffe, de sorte que l’opposition formée par des conclusions adressées par le Réseaux privé virtuel des avocats (RPVA) est irrecevable.
Les faits d’espèce concernent deux associés d’une société en nom collectif assignés par un créancier en ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
Cette affaire est l’occasion de rappeler que les associés gérants d’une société en nom collectif ont de droit la qualité de commerçants et sont réputés exercer une activité commerciale, pouvant ainsi faire l’objet d’une liquidation judiciaire (Cass. civ. 2ème, 5 décembre 2013, n°11-28092). De plus, en raison de leur qualité d’associés gérants de société en nom collectif, ils sont tenus individuellement, solidairement et indéfiniment à l’égard du passif de la société.
Si, en première instance, le tribunal de commerce de Douai avait rejeté la demande d’ouverture de liquidation judiciaire, la cour d’appel de Douai y a fait droit par arrêt, rendu par défaut, le 26 octobre 2017.
Les associés, qui ne s’étaient pas constitués devant la cour d’appel, décident alors de former une opposition à l’encontre de cet arrêt par conclusions dématérialisées, transmises au greffe via le Réseau privé virtuel des avocats (RPVA).
Après réouverture des débats afin de permettre aux parties de conclure sur la fin de non-recevoir soulevée d’office, la cour d’appel de Douai conclut à l’irrecevabilité de l’opposition, sur le fondement des dispositions de l’article R.661-2 du Code de commerce qui organise cette voie de recours appliquée aux procédures collectives, en ces termes :
« Sauf dispositions contraires, l’opposition et la tierce opposition sont formées contre les décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d’actif, de faillite personnelle ou d’interdiction prévue à l’article L.653-8, par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision ».
C’est l’arrêt qui a été soumis à la Cour de cassation, le moyen au pourvoi estimant notamment que « le dépôt de conclusions au greffe de la cour d’appel est assimilable à une déclaration motivée qui satisfait aux conditions de l’opposition et les tribunaux de commerce appliquent les principes directeurs du procès civil aux termes desquels les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ».
La Cour de cassation rejette pourtant le pourvoi formé par les associés.
Elle rappelle, dans un premier temps, que l’article R.661-2 du Code de commerce est exclusif du droit commun des procédures civiles. Ainsi, les règles évoquées par les associés de la société en nom collectif n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce.
Cette position de principe, conforme à la jurisprudence constante (Cass. com., 14 mai 2002, n°99-10.325 et 99-10.535 ou encore Cass. com., 14 juin 2017, n°15-25.698 ; Cass. com., 17 févr. 2021, n°19-16.470), ne souffre guère la critique.
Toutefois, au visa de ce texte, la Cour juge ensuite que ne sont pas considérées comme une déclaration au greffe, au sens de l’article R.661-2 du Code de commerce, les conclusions envoyées de manière dématérialisée au greffe. En d’autres termes, l’opposition formée en matière de procédure collective exigerait que la déclaration au greffe se fasse, non par voie dématérialisée, mais par une comparution physique des requérants au greffe.
Ce faisant, la Haute juridiction se livre – à notre sens – à une lecture sévère du texte et excessivement pénalisante car, s’il est acquis que le droit des procédures collectives est fort souvent dérogatoire du droit commun, la lettre même de l’article R.661-2 précité est taisante sur la forme de cette déclaration au greffe et n’exige pas le respect d’un tel formalisme.
A l’heure du numérique et de la généralisation des procédures dématérialisées, la solution retenue par les Sages apparait – par son excès de formalisme – critiquable par son classicisme et déconnectée des exigences de célérité (délai extrêmement réduit des voies de recours) et d’efficacité qu’imposent les procédures collectives.
A rapprocher : Article R.661-2 du Code de commerce ; Cass. civ., 5 décembre 2013, n°11-28.092 ; Cass. com., 14 mai 2002, n°99-10.325 et 99-10.535 ; Cass. com., 14 juin 2017, n°15-25.698 ; Cass. com., 17 février 2021, n°19-16.470