Cour de cassation, chambre sociale, 9 septembre 2020, n°18-17797
La garantie de l’AGS ne s’applique pas aux créances nées postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et résultant de la poursuite du contrat de travail, en l’absence de prononcé d’une liquidation judiciaire.
En l’espèce, Monsieur G est engagé, le 1er octobre 1998, par la société D, en qualité de chauffeur dépanneur.
Par jugement rendu le 03 mai 2005, la société D est placée sous procédure de redressement judiciaire.
Par jugement rendu le 18 octobre 2006, la même juridiction arrête le plan de cession des actifs de la société D, au profit de Monsieur S, lequel se substitue la société A.
Le 18 décembre 2007, Monsieur G, désormais salarié de la société A en raison de l’arrêt du plan de cession précité, est licencié par cette dernière pour faute grave. Monsieur G décide alors de contester son licenciement qu’il estime sans cause réelle et sérieuse, et sollicite notamment l’octroi d’une indemnité de licenciement.
Par la même occasion, Monsieur G sollicite la condamnation de la société D, son employeur initial, au paiement de diverses créances salariales dues au titre des exercices 2005 et 2006.
Parallèlement, la société A est placée sous procédure de redressement judiciaire suivant jugement rendu le 23 septembre 2008. Un plan de redressement judiciaire est ultérieurement arrêté à son profit, suivant jugement rendu le 23 février 2010.
Par jugement rendu le 09 avril 2014, la juridiction saisie par Monsieur G fait droit à l’ensemble de ses demandes, à savoir :
-
La fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société D des diverses créances salariales dues au titre des exercices 2005 et 2006 ;
-
La fixation au passif du redressement judiciaire de la société A des diverses créances salariales dues au titre de la rupture du contrat de travail, et notamment d’une indemnité de licenciement d’un montant de 30.000 €,
-
L’opposabilité de ces créances à l’AGS, dans les limites de l’article L.3253-6 et suivants du Code du travail.
La société A décide d’interjeter appel à l’encontre de cette décision, estimant notamment le licenciement pour faute grave justifié.
L’AGS, partie à cette instance, conteste, quant à elle, cette décision en ce qu’elle lui impose de garantir l’ensemble des créances précitées.
Plus particulièrement, s’agissant de la société D, l’AGS estime ne pas être tenue de garantir, en l’absence de liquidation judiciaire subséquente à l’arrêt du plan de cession des actifs de la société D, les créances dues postérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société D, soit après le 3 mai 2005.
Toutefois, les juges du fond ne suivent pas cette argumentation et confirment, par arrêt rendu le 28 mars 2018, la décision rendue en première instance.
L’AGS décide alors de former un pourvoi en cassation.
Par arrêt rendu le 9 septembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation décide de casser et annuler l’arrêt rendu le 28 mars 2018.En effet, les juges de la Cour suprême rappellent qu’il résulte de l’article L.3253-8 du Code du travail que la garantie de l’AGS ne s’applique pas aux créances nées postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et résultant de la poursuite du contrat de travail, en l’absence de prononcé d’une liquidation judiciaire.
Or, en l’occurrence, aucune procédure de liquidation judiciaire n’a été ouverte au bénéfice de la société D, ancien employeur de Monsieur G, et cette suite à l’arrêt du plan de cession de ses actifs. Dès lors, les créances salariales dues postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire de la société D, soit après le 03 mai 2005, ne pouvaient être garanties par l’AGS, conformément aux dispositions légales.
Cette décision apparaît conforme à la jurisprudence actuelle, la Cour suprême ayant d’ores et déjà eu l’occasion de se positionner en ce sens (Cour de cassation, chambre sociale, 6 juillet 1999, n°97-42231). Il en résulte que si le système AGS peut apparaître globalement généreux concernant la prise en charge des créances salariales, il reste néanmoins soumis à des conditions strictes, notamment quant au calendrier procédural.
A rapprocher : Article L.3252-8 du Code du travail ; Cour de cassation, chambre sociale, 6 juillet 1999, n°97-42231).