Cass. com., 11 mars 2020, n°18-24052
Le fait pour un dirigeant de s’octroyer une rémunération élevée et de faire supporter ses cotisations personnelles par une société dont les fonds propres sont négatifs, ne caractérise pas des relations financières anormales de nature à fonder une action en extension de procédure aboutissant à une confusion de patrimoines.
En l’espèce, une société de menuiserie est placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire les 4 et 8 juillet 2014.
Par la suite, le liquidateur de cette société assigne M. et Mme H, co-gérants de la débitrice en extension de la procédure pour confusion des patrimoines.
Après une décision de première instance, l’affaire est portée devant la Cour d’appel de Chambéry.
Par décision rendue le 4 septembre 2018, les juges du fond décident de faire droit à la demande du liquidateur judiciaire d’étendre la procédure de liquidation judiciaire de la débitrice au patrimoine personnel des co-gérants et ce afin de condamner ces derniers au règlement des dettes de la société.
En effet, la Cour d’appel relève qu’entre 2010 et la déclaration de cessation des paiements de la société en 2014, les co-gérants se sont attribués une rémunération équivalente à 13% du montant du chiffre d’affaires de la débitrice et lui ont fait prendre en charge leurs cotisations sociales personnelles, ce qui caractériserait des flux financiers anormaux de nature à justifier une action en extension de procédure, aboutissant à une confusion des patrimoines.
Les époux décident alors de former un pourvoi en cassation.
Par arrêt rendu le 11 mars 2020, la Chambre commerciale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry estimant que les éléments relevés par les juges du fond ne caractérisent pas des relations financières anormales de nature à justifier une action en extension de procédure aboutissant à une confusion des patrimoines, dès lors que les sommes perçues et les cotisations versées trouvent leur contrepartie dans le travail, indiscutable, effectué par les gérants.
Cette décision est inédite puisque dans un arrêt du 7 novembre 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait fait droit, dans des conditions analogues, à la demande d’extension d’une procédure de liquidation judiciaire au patrimoine du gérant, outre la demande en interdiction de gérer au titre d’une faillite personnelle.
La différence de position semble reposer sur l’absence de contrepartie permettant de justifier le montant de la rémunération.
La décision de la Chambre commerciale du 11 mars 2020 s’inscrit dans un courant législatif favorable au dirigeant.
En effet, la loi PACTE du 22 mai 2019, pose désormais le principe du maintien de la rémunération du dirigeant d’une société objet d’une procédure de redressement judiciaire, à condition que celle-ci prenne en considération deux éléments :
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Les besoins du dirigeant nécessaires à la poursuite d’une vie personnelles et familiale décente ;
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Les efforts nécessaires devant être consentis par le dirigeant pour la poursuite de l’activité de son entreprise.
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Toutefois, la rémunération excessive du dirigeant peut toujours être sanctionnée, notamment par la faillite personnelle.
Il résulte de ce qui précède que la rémunération excessive d’un dirigeant, ne peut à elle seule faire état de l’existence de relations financières anormales permettant d’étendre une procédure de liquidation judiciaire au patrimoine personnel du dirigeant.
A rapprocher : Article L.621-2 du Code de commerce ; Cass. com., 7 novembre 2018, n°17-21284.