Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020
Si le créancier est protégé par les mesures gouvernementales instaurées pour tenir compte des conséquences de la crise sanitaire sur le respect de certains légaux propres au droit des entreprises en difficulté, leurs droits contractuels s’effacent devant la nécessité de préserver l’économie et la pérennité des entreprises durement impactées.
L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, a pour objet d’adapter certains délais aux conséquences résultant de l’épidémie du covid-19.
Cette ordonnance, en ses articles 2 et 4, exerce une influence sur le droit des entreprises en difficulté et, particulièrement, sur la situation des créanciers de la procédure collective, que l’adaptation des délais leur bénéficient ou qu’ils s’imposent à eux.
En effet, aux termes de l’article 2 de ladite ordonnance, « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »
Si l’on avait pu émettre un doute sur l’application de cette disposition aux actes, recours ou déclarations spécifiques à la matière du droit des entreprises dans l’attente de la parution d’une ordonnance portant adaptation des règles de traitement des entreprises en difficultés (l’article 1er 5° de l’ordonnance du n°2020-306 du 25 mars 2020 la rendant applicable à tous délais ou mesures sauf disposition spéciale contraire), l’ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020 et sa Circulaire de présentation n°CIV/03/20 du 30 mars 2020 ont levé toute incertitude.
Ainsi, et par exemple bénéficieront de cette disposition s’ils expirent ou ont expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 (dite « période juridiquement protégée »),
- le délai légal de déclaration de créances (C.com. L. 622-24 et R. 622-24) ; dans ce cas le créancier pourra valablement déclarer sa créance dans les deux mois du terme de la période juridiquement protégée, soit jusqu’au 23 août 2020 ;
- le délai légal de revendication (C. com L.624-9) ; dans ce cas, le créancier pourra valablement revendiquer ses biens dans les deux mois du terme de la période juridiquement protégée (et non trois mois, l’article 2 précité fixant une « limite de deux mois »), soit jusqu’au 23 août 2020 ;
- le délai de saisine du juge-commissaire en cas de défaut d’acquiescement à la demande de revendication (C. com. R. 624-13) ; dans ce cas, le créancier pourra saisir le juge dans le mois (« délai légalement imparti pour agir ») suivant le terme de la période juridiquement protégée, soit avant le 23 juillet 2020.
Les délais échus avant le 12 mars 2020 ne seront pas reportés, de même que les délais commençant à courir au terme de la période juridiquement protégée, ne seront ni suspendus ni prorogés.
Si ces dispositions sont donc favorables aux créanciers, l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 (dans sa version en vigueur au 15 avril 2020) impose, quant à lui, des règles en faveur du débiteur dont la mise en œuvre peut conduire, au-delà de la suspension des clauses contractuelles sanctionnant l’inexécution du contrat, à la suspension du contrat lui-même pendant la période juridiquement protégée :
« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er.
Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.
La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l’article 1er, est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période.
Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er ».
Prenons pour exemple une échéance d’emprunt exigible au 20 mars 2020 et non payée ; la non-exécution de cette obligation tombant dans la période juridiquement protégée (entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus) la déchéance du terme ne peut être prononcée.
De fait, l’ordonnance instaure un standstill de plein droit jusqu’au 23 juin 2020 inclus a minima, majoré de la durée écoulée entre le 12 mars 2020 et la date à laquelle l’obligation était exigible.
A rapprocher : Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 ; Circulaire CIV/01/20 du 26 mars 2020 ; Ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020 ; Circulaire CIV/03/20 du 30 mars 2020.