Cass. com., 22 janvier 2020, n°18-17.030, Publié au bulletin
La faute de gestion commise entre l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire et l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire peut fonder une action en insuffisance d’actif.
En l’espèce, la société P, dirigée par M. S, est placée sous procédure de redressement judiciaire suivant un jugement rendu le 23 juin 2010 par le tribunal de commerce de Compiègne.
Par jugement du 20 avril 2011 et à l’issue d’une période d’observation de 10 mois, un plan de continuation est arrêté au profit de la société P.
Par jugement du 3 juillet 2013, le tribunal de commerce de Compiègne résout le plan de redressement judiciaire de la société P et convertit la procédure de redressement en liquidation judiciaire.
Postérieurement, le liquidateur judiciaire désigné dans le cadre de cette procédure décide de poursuivre M. S en responsabilité pour insuffisance d’actif.
Après une première décision d’instance, l’affaire est portée devant la cour d’appel d’Amiens.
Par arrêt rendu le 22 mars 2018, les juges du fond estiment l’action fondée et condamnent M. S à payer la somme de 240.000 €.
En effet, les juges du fond imputent à M. S la commission de plusieurs fautes de gestion et notamment l’absence de comptabilité sur l’exercice clos au 31 décembre 2012, l’absence d’approbation des comptes au 30 juin 2013 ainsi que la poursuite d’une activité déficitaire à compter de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
On peut d’ailleurs s’interroger sur la caractérisation de cette dernière faute, un plan de continuation ayant été arrêté au profit du débiteur dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire supposant la démonstration en amont d’une activité bénéficiaire.
M. S décide de former un pourvoi en cassation estimant que seules les fautes de gestion antérieures à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire peuvent être prises en compte dans le cadre d’une action en insuffisance d’actif.
Par un arrêt rendu le 22 janvier 2020, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi de M. S et décide, au visa de l’article L.651-2 du Code de commerce relatif à l’action en insuffisance d’actif, que la faute de gestion commise entre l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire et l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire peut fonder une action en insuffisance d’actif.
Cette décision apparaît cohérente compte tenu de la rédaction actuelle de l’article L.651-2 du Code de commerce lequel dispose que :
« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».
En effet, il résulte de ces dispositions que la faute de gestion permettant la mise en œuvre d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif doit avoir été commise avant la procédure de liquidation judiciaire.
Tel était le cas en l’espèce.
Toutefois, par cette décision, la Cour de cassation vient préciser que l’action en insuffisance d’actif peut être mise en œuvre lorsque cette faute a été commise entre l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, ayant donné lieu à un plan de redressement, et l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, ayant été prononcée à la suite de la résolution dudit plan.
Il en résulte que le dirigeant ne se trouve pas exonéré de sa responsabilité par l’ouverture du redressement judiciaire, et ce durant toute la période d’observation, ou par l’arrêt du plan de redressement, et ce alors même qu’il se trouve placé sous la protection et la surveillance du tribunal.
A rapprocher : Article L.651-2 du Code de commerce