Cass. com., 17 octobre 2018, n°17-17.672
La Cour de cassation casse pour défaut de base légale l’arrêt de la Cour d’appel fixant au passif le montant d’une créance postérieure, née au cours de la période d’observation d’une procédure de redressement judiciaire, sans préciser si cette dernière était utile ou non à la procédure, ce qui aurait justifié, dans le premier cas, la condamnation du débiteur à la régler et, dans le second cas, le prononcé de l’irrecevabilité de la demande formée contre ce dernier.
En l’espèce, une société, placée en redressement judiciaire suivant jugement du 28 janvier 2011, s’est vue confier les 8 et 15 avril suivants par une société de transport des opérations d’entreposage et de dépotage de cinq conteneurs de téléviseurs importés en France par une autre société. Des téléviseurs ayant été volés dans les entrepôts du débiteur, l’importateur et son assureur ont assigné en responsabilité la société de transport et le débiteur, ainsi que son assureur, mettant ultérieurement en cause le mandataire judiciaire et l’administrateur judiciaire. Les courtiers de l’importateur ont désintéressé ce dernier et son assureur, et ont été subrogés dans leurs droits. Les courtiers, qui n’avaient pas déclaré de créances au passif du débiteur, ont donc à leur tour assigné en paiement ce dernier et ses mandataires de justice.
Par un arrêt en date du 9 mars 2017, la Cour d’appel de Lyon a fixé au passif chirographaire du débiteur la créance des courtiers à la somme de 91 319,21 euros aux motifs que, la créance étant née du sinistre survenu au cours de la période d’observation, elle n’était pas une créance antérieure au sens de l’article L.622-24 du Code de commerce et n’avait pas à être déclarée.
La cassation apparaissait inévitable.
Par un arrêt du 17 octobre 2018, publié au bulletin, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel au visa des articles L.622-17, L.622-21 et L.622-24 du Code de commerce, rendus applicables au redressement judiciaire par l’article L.631-14 du même code. Elle décide en ces termes que :
« (…) en se déterminant ainsi, sans préciser si cette créance postérieure réunissait ou non les conditions de son paiement à l’échéance, ce qui aurait justifié, dans le premier cas, la condamnation (du débiteur) à la régler et, dans le second cas, le prononcé de l’irrecevabilité de la demande formée contre cette dernière, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Le rappel à la Loi énoncé par la Cour de cassation est des plus didactiques. En effet, en présence d’une créance postérieure, deux solutions sont possibles qui ne sont pas celles retenues par la juridiction d’appel. Soit il s’agit d’une créance postérieure privilégiée, il convient donc de prononcer une condamnation en paiement conformément aux dispositions de l’article L.622-21 du Code de commerce. A l’inverse, dans l’hypothèse où il ne s’agit pas d’une créance postérieure privilégiée, l’action en paiement est irrecevable compte tenu de l’arrêt des poursuites individuelles prévu par l’article L.622-21 du Code de commerce. En l’espèce, le caractère privilégié d’une telle créance paraît douteux dans la mesure où cette créance indemnitaire ne contribue pas au redressement du débiteur.