Cass. com., 5 septembre 2018, n°17-13.626
La solidarité fiscale n’est pas un obstacle à une action en responsabilité pour insuffisance d’actif à l’encontre du dirigeant, et ce même pour un montant qui inclut la créance fiscale objet de la solidarité.
En l’espèce, par jugement du 18 décembre 2008, une société a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugement du 14 décembre 2009. Parallèlement, le gérant de cette société a été condamné à payer à l’administration fiscale la somme de 147.718,00 euros sur le fondement de l’article 1745 du code général des impôts. Cet article permet de déclarer le dirigeant solidaire avec la société s’il a été condamné pénalement pour fraude lors du paiement ou de l’établissement dudit impôt.
Le liquidateur judiciaire a considéré que ces faits constituaient également une faute de gestion du dirigeant ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société. Partant, il a assigné le gérant en responsabilité pour insuffisance d’actif.
Par un arrêt en date du 15 décembre 2016, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a déclaré l’action du liquidateur judiciaire recevable et bien fondée, et a condamné le dirigeant de la société à supporter l’insuffisance d’actif de la société à concurrence de 147.718,00 euros, somme correspondant au montant de la créance de l’administration fiscale.
Le dirigeant de la société a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.
Au soutien de son premier moyen, il a fait grief à l’arrêt de déclarer recevable l’action du liquidateur judiciaire au motif qu’il n’aurait pas été destinataire de la convocation et que son audition n’avait, par conséquent, pas eu lieu.
Par un arrêt du 5 septembre 2018, publié au bulletin, la Cour de cassation rejette le moyen en ces termes : « En présence d’une convocation régulière du dirigeant poursuivi en paiement de l’insuffisance d’actif, en vue de son audition préalable, l’action est recevable, peu important que le dirigeant ne se soit pas présenté et que son audition n’ait pu, en conséquence, avoir eu lieu. »
Cette solution n’est toutefois plus d’actualité. En effet, le décret du 12 février 2009, pris en application de l’ordonnance du 18 décembre 2008 et applicable aux procédures collectives ouvertes à compter du 15 février 2009, a supprimé l’audition du dirigeant dans le cadre d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif.
Au soutien de son second moyen, le dirigeant a fait grief à l’arrêt de le condamner à supporter l’insuffisance d’actif de la société à concurrence de la somme de 147.718,00 euros, correspondant au montant de la créance de l’administration fiscale au paiement de laquelle il avait déjà été condamné au titre de la solidarité fiscale prévue par les dispositions de l’article 1745 du code général des impôts. Selon le moyen, les juges du fond auraient violé le principe de réparation intégrale en le condamnant à indemniser une deuxième fois le préjudice de l’administration fiscale.
La Haute-juridiction rejette les arguments invoqués en jugeant en ces termes que : « La solidarité prononcée contre le dirigeant social en application de l’article 1745 du code général des impôts, qui constitue une garantie de recouvrement de la créance fiscale et ne tend pas à la réparation d’un préjudice, ne fait pas obstacle à la condamnation de ce dirigeant à supporter, à raison de la faute de gestion consistant à soustraire la société à l’établissement et au paiement de l’impôt et à omettre de passer des écritures en comptabilité, tout ou partie de l’insuffisance d’actif de la société, comprenant la dette fiscale objet de la solidarité, la contribution du dirigeant à l’insuffisance d’actif entrant dans le patrimoine de la société débitrice pour être répartie au marc le franc entre tous les créanciers et la part du produit de la condamnation du dirigeant versée au Trésor s’imputant sur le montant de sa créance».
Il convient de rappeler que dans un arrêt de principe du 28 février 1995, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait posé un principe dit de « non-cumul » de l’action en comblement de passif avec d’autres actions en responsabilité de droit commun dans l’hypothèse d’une insuffisance d’actif de la société placée en procédure collective (Cass. com., 20 juin 1995, n°92-16.647). La Cour de cassation avait admis une exception à ce principe de non-cumul en déclarant recevable une action en responsabilité fiscale dans un arrêt de principe du 9 décembre 1997 (Cass. com., 9 décembre 1997, n°96-12.292) tout en précisant qu’une double réparation du préjudice devait être évitée en vertu du principe de réparation intégrale du préjudice (Cass. com., 23 janvier 1996, 92-18.589).
En l’espèce, la question du non-cumul des actions en responsabilité ne se posait pas.
La solidarité fiscale, prévue par l’article 1745 du code général des impôts, n’est pas une action en responsabilité mais constitue une garantie de recouvrement de la créance fiscale. Cette procédure ne tend pas à la réparation d’un préjudice.
Dès lors, aucun cumul d’action en responsabilité ne pouvait être excipé.
Par ailleurs, et s’agissant du grief tenant à un possible double paiement, la Cour de cassation rappelle que les sommes perçues par l’administration fiscale dans le cadre du désintéressement des créanciers de la procédure collective s’imputeront sur le montant de sa créance.
La décision de la Haute Juridiction ne souffre aucune contestation.
A rapprocher : Cass. com., 20 juin 1995, n°92-16.647 ; Cass. com., 9 décembre 1997, n°96-12.292 ; Cass. com., 23 janvier 1996, n°92-18.589