Cass. com., 20 juin 2018, n°17-13.204
La chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle, de nouveau, le formalisme impératif résultant des dispositions de l’article R.631-3 du Code de commerce, lequel dispose qu’en cas de saisine d’office du Tribunal en vue de la conversion en liquidation judiciaire, le débiteur doit être convoqué par le Greffe par lettre recommandée avec accusé de réception.
Ce qu’il faut retenir : Après une décision remarquée, rendue le 24 mai 2018 (n°16-27296), et publiée au bulletin, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle, de nouveau, le formalisme impératif résultant des dispositions de l’article R.631-3 du Code de commerce, lequel dispose qu’en cas de saisine d’office du Tribunal en vue de la conversion en liquidation judiciaire, le débiteur doit être convoqué par le Greffe par lettre recommandée avec accusé de réception. A défaut, la saisine d’office du Tribunal est irrégulière et le jugement de conversion est annulé.
Pour approfondir : En l’espèce, une entreprise est placée sous procédure de redressement judiciaire par jugement du 16 juillet 2014 du Tribunal de commerce de Bar-le-Duc. Par jugement du 07 novembre 2014, la juridiction consulaire décide de renouveler la période d’observation pour une durée de 6 mois, c’est-à-dire jusqu’au 16 juillet 2015.
Par décision datée du 17 juillet 2015 et sur requête du Ministère Public, la même juridiction autorise la prolongation exceptionnelle de la période d’observation. En définitive, l’entreprise débitrice présente au Tribunal de commerce de Bar-le-Duc son projet de plan de redressement au cours d’une audience du 18 décembre 2015.
Toutefois, au cours de cette même audience, l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ainsi que le Ministère Public sollicitent le rejet de ce plan ainsi que la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.
La juridiction consulaire décide alors de se saisir d’office et prononce, par décision du 30 décembre 2015, la conversion en liquidation judiciaire.
Dans ce contexte, l’entreprise débitrice décide d’interjeter appel afin de voir annuler ledit jugement.
Cette dernière invoque notamment les dispositions de l’article R.631-3 du Code de commerce aux termes duquel il est indiqué que :
« Lorsque le tribunal exerce son pouvoir d’office et à moins que les parties intéressées n’aient été invitées préalablement à présenter leurs observations, le tribunal fait convoquer le débiteur à la diligence du greffier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à comparaître dans le délai qu’il fixe. A la convocation est jointe une note dans laquelle sont exposés les faits de nature à motiver l’exercice par le tribunal de son pouvoir d’office ».
En l’espèce, l’entreprise débitrice estime que, le Tribunal de commerce s’étant saisi d’office, elle aurait dû être expressément convoquée par le Greffe afin de pouvoir présenter ses observations.
Toutefois, par un arrêt rendu le 16 décembre 2016, la Cour d’appel de Nancy rejette cette argumentation estimant que l’entreprise débitrice avait pu, au cours d’une audience antérieure, présenter ses observations concernant une liquidation judiciaire éventuelle. L’entreprise débitrice décide alors de former un pourvoi en cassation. Par un arrêt rendu le 20 juin 2018, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu le 16 décembre 2016 par la Cour d’appel de Nancy et décide, aux termes d’un attendu ferme et précis, qu’:
« En statuant ainsi, alors que la convocation régulière à l’audience pour examen du plan, la comparution du représentant de la société débitrice ou la demande de conversion formée à l’audience par les organes de la procédure ou le ministère public ne peuvent suppléer à l’absence d’invitation préalable faite aux parties de présenter leurs observations ou de convocation en vue de la conversion d’office du redressement en liquidation judiciaire dans les formes prévues par l’article R. 631-3 du code de commerce, sans le respect desquelles la saisine d’office est irrégulière, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La juridiction suprême rappelle ainsi, pour la deuxième fois en moins de deux mois (nb : Cour de cassation, chambre commerciale, 24 mai 2018, n°16-27296) que lorsque le Tribunal se saisit d’office aux fins de conversion en liquidation judiciaire, il doit nécessairement faire convoquer le débiteur afin de pouvoir recueillir ses observations.
Ce formalisme, n’est, en réalité, qu’une application pure et simple du principe du contradictoire que les juges des procédures collectives semblent parfois oublier, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’entreprise débitrice qui considère avoir des perspectives sérieuses de retournement, aux fins de poursuite de son activité.
En effet, toute conversion en liquidation judiciaire, aussi irrégulière soit-elle, emporte des conséquences immédiates difficilement réversibles telles que le licenciement des salariés dans un délai de 15 jours suivant le jugement prononçant la liquidation judiciaire ainsi que l’information des fournisseurs et des clients.
Dans ces conditions et compte tenu des délais d’appel, le formalisme impératif de l’article R.631-3 du Code de commerce vise ainsi à limiter les recours contre une décision prononçant la conversion de la procédure en liquidation judiciaire en permettant au débiteur de faire valoir ses arguments s’il souhaite défendre une poursuite d’exploitation.
A rapprocher : Cass. com., 24 mai 2018, n°16-27296 ; Cass. com., 1er mars 2016, n°14-21997 ; Cass. com., 9 février 2010, n°09-10925