Cass. com., 20 juin 2018, n°16-16.723
La Cour de cassation confirme sa jurisprudence selon laquelle la compensation de créances connexes ne peut être opérée dès lors que le créancier n’a pas déclaré sa créance antérieure au passif.
En l’espèce, par un marché du 14 novembre 2007, un établissement public d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (l’EHPAD) a confié, dans le cadre de la construction d’une résidence, la réalisation du lot électricité à une société qui a été successivement placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugements respectifs des 22 septembre et 16 novembre 2010.
Le liquidateur judiciaire, n’ayant pas obtenu le paiement des factures émises par le débiteur en octobre, novembre et décembre 2010, a assigné l’EHPAD en paiement des factures impayées. Par un jugement du 17 octobre 2014, le Tribunal de commerce a condamné l’EHPAD à payer au liquidateur judiciaire, ès qualités, la somme de 60 518,95 euros au titre des factures impayées.
L’EHPAD a interjeté appel du jugement. Par un arrêt du 3 mars 2016, la Cour d’appel de Nîmes a confirmé la décision de première instance. L’EHPAD a alors formé un pourvoi en cassation.
L’EHPAD fait notamment grief aux juges du fond d’avoir rejeté sa demande de compensation pour dettes connexes entre sa dette au titre des factures impayées et la dette du débiteur au titre de l’exécution incomplète et défectueuse des travaux aux motifs qu’il n’avait pas déclaré sa créance au passif du débiteur.
Par un arrêt du 20 juin 2018, la Cour de cassation rejette le moyen.
La Chambre commerciale, en se fondant sur les dispositions des articles L.622-24, L.622-26 et L.622-7 du Code de commerce, confirme l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’il a rejeté la demande de compensation pour dettes connexes de l’EHPAD aux motifs que ce dernier aurait dû déclarer sa créance antérieure résultant de l’exécution incomplète et défectueuse des travaux au passif du débiteur sous peine d’inopposabilité de sa créance à la procédure collective.
L’article L.622-7 du Code de commerce dispose en ces termes que :
« Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. »
Toutefois, la compensation de créances connexes ne peut être opérée dès lors que le créancier n’a pas déclaré sa créance antérieure au passif du débiteur ; cette créance étant, en application des dispositions de l’article L.622-26 du Code de commerce, inopposable à la procédure collective du débiteur (Cass. com., 3 mai 2011, n°10-16.758 ; Cass. com., 19 juin 2012, n°10-21.641). Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, la compensation de créances connexes nécessitait une déclaration de la créance au passif du débiteur, la sanction étant alors au demeurant l’extinction de la créance.
En l’espèce, il ne pouvait être contesté que la créance au titre du paiement des travaux effectués et celle au titre de l’exécution incomplète et défectueuse des travaux étaient des créances connexes (Cass. com., 24 octobre 1978, n°77-11.012).
Toutefois, le fait générateur de la créance, née de l’exécution défectueuse par le débiteur d’une prestation de travaux, étant le jour de l’exécution de la prestation (Cass. com., 21 février 2012, n°11-11.504), la créance de l’EHPAD était une créance antérieure qui aurait dû être déclarée au passif du débiteur pour permettre la compensation des créances en application des dispositions de l’article L.622-7 du Code de commerce.
A rapprocher : Cass. com., 3 mai 2011, n°10-16.758 ; Cass. com., 19 juin 2012, n°10-21.641 ; Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; L.622-24 du Code de commerce ; L.622-26 du Code de commerce ; L.622-7 du Code de commerce