Cass. com., 24 mai 2018, n°17-11.513
Si la clôture de la procédure de liquidation judiciaire met fin au dessaisissement du débiteur, les pouvoirs recouvrés du débiteur sont limités par ceux du mandataire désigné par le tribunal de la procédure en application de l’article L.643-9 al. 3 du Code de commerce tendant à la poursuite des instances en cours et la répartition, le cas échéant, des sommes perçues à l’issue de celles-ci.
Ce qu’il faut retenir : Si la clôture de la procédure de liquidation judiciaire met fin au dessaisissement du débiteur, les pouvoirs recouvrés du débiteur sont limités par ceux du mandataire désigné par le tribunal de la procédure en application de l’article L.643-9 al. 3 du Code de commerce tendant à la poursuite des instances en cours et la répartition, le cas échéant, des sommes perçues à l’issue de celles-ci.
Pour approfondir : En l’espèce, par jugement du 20 juillet 2000, une personne physique, associée d’une société civile immobilière (SCI), a été placée en liquidation judiciaire. Un jugement du 10 janvier 2014 a résolu le plan de sauvegarde de la SCI et ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de celle-ci. Le liquidateur judiciaire de l’associé de la SCI a déclaré au passif de la SCI une créance correspondant au solde du compte courant de cet associé, laquelle créance a été contestée.
Un jugement du 16 mars 2015 a prononcé la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de l’associé de la SCI, mis fin à la mission du liquidateur judiciaire et désigné ce dernier, en application des dispositions de l’article L.643-9 al. 3 du Code de commerce, en qualité de mandataire avec pour mission de poursuivre les instances en cours et de répartir les sommes perçues conformément à l’état des créances.
Par ordonnance du 2 juin 2015 rendue par le juge-commissaire du redressement judiciaire de la SCI, la créance en compte courant de l’associé de la SCI a été admise. Par un jugement du 4 septembre 2015, le plan de redressement de la SCI, prévoyant le remboursement de la créance de l’associée de la SCI à concurrence de 50 % sur une durée de dix ans, a été arrêté. Le créancier a été réputé, par son silence, avoir consenti à l’abandon du surplus. Le mandataire désigné a formé tierce opposition au jugement arrêtant le plan de la SCI en faisant valoir qu’il s’était opposé à l’abandon de créance proposé.
Par un arrêt du 29 novembre 2016, la Cour d’appel de Rennes a déclaré recevable la tierce opposition du mandataire, a rétracté en conséquence le jugement du 4 septembre 2015 arrêtant le plan de redressement de la SCI et renvoyé les parties devant le Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc afin qu’il soit de nouveau statué sur l’issue du redressement judiciaire de la SCI.
La SCI et le commissaire à l’exécution du plan de cette société forment un pourvoi en cassation contre cette décision. Ils soutiennent que le jugement du 16 mars 2015, ayant prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de l’associé de la société civile, a désigné le liquidateur judiciaire en qualité de mandataire avec pour mission de poursuivre les instances en cours et de répartir les sommes perçues conformément à l’état des créances, et non avec une mission générale de suivi de l’exécution des décisions de justice.
Par un arrêt du 24 mai 2018, publié au bulletin, la Cour de cassation rejette le moyen au motif que : « l’arrêt , qui n’a pas dit que (le mandataire) avait une mission générale de suivi de l’exécution des décisions de justice, a exactement retenu, sans dénaturer le jugement du 16 mars 2015 désignant le mandataire, que ce dernier, chargé de poursuivre les instances en cours et de répartir les sommes perçues, devait, pour y parvenir, suivre l’exécution de la décision rendue à l’issue de l’instance relative à l’admission de la créance de (l’associée de la SCI au passif de cette dernière). »
La Cour indique que si la clôture de la liquidation judiciaire met fin au dessaisissement du débiteur, ce dernier, en cas de désignation d’un mandataire en application de l’article L.643-9 al. 3 du Code de commerce, ne recouvre pas l’exercice de ses droits et actions en ce qui concerne les instances en cours dont la poursuite a été confiée au mandataire, ni sur leur produit éventuel, qui constitue le gage des créanciers de la liquidation judiciaire. Par conséquent, le mandataire avait seul le pouvoir de prendre position sur les modalités de règlement de la créance de compte courant, dans le cadre de la consultation des créanciers, préalable à l’adoption du plan de redressement de la SCI.
Depuis l‘ordonnance 2014-326 du 12 mars 2014, l’article L.643-9 du Code de commerce prévoit en son alinéa 3ème que : « Le tribunal peut également prononcer la clôture de la procédure en désignant un mandataire ayant pour mission de poursuivre les instances en cours et de répartir, le cas échéant, les sommes perçues à l’issue de celles-ci lorsque cette clôture n’apparaît pas pouvoir être prononcée pour extinction du passif ».
Ces nouvelles dispositions sont applicables aux procédures en cours à la date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance (1er juillet 2014).
Deux points sont à retenir de cet arrêt. Tout d’abord, la Cour de cassation rappelle que la clôture de la procédure de liquidation judiciaire, même pour insuffisance d’actif, met fin au dessaisissement du débiteur (Cass. com., 17 octobre 2000, n°98-10.955 ; Cass. civ. 2ème, 17 octobre 2002, n°01-13.553).
Toutefois, la Cour de cassation apporte un tempérament en précisant que les pouvoirs recouvrés du débiteur sont limités par ceux du mandataire désigné par le tribunal de la procédure en application de l’article L.643-9 al. 3 du Code de commerce tendant à la poursuite des instances en cours et à la répartition, le cas échéant, des sommes perçues à l’issue de celles-ci.
A rapprocher : L.643-9 al. 3 du Code de commerce ; Cass. com., 17 octobre 2000, n°98-10.955 ; Cass. civ. 2ème, 17 octobre 2002, n°01-13.553