Cass. com., 7 février 2018, n°16-24.481
Pour la première fois, la Cour de cassation sanctionne un manquement grave aux règles d’affectation par la réunion des patrimoines d’un entrepreneur à responsabilité limitée placé en liquidation judiciaire.
Ce qu’il faut retenir : Pour la première fois, la Cour de cassation sanctionne un manquement grave aux règles d’affectation par la réunion des patrimoines d’un entrepreneur à responsabilité limitée placé en liquidation judiciaire.
Pour approfondir : En l’espèce, un entrepreneur à responsabilité limitée a déposé une déclaration d’affectation de patrimoine sans mentionner les éléments affectés à son activité. Le 1er juillet 2014, il est placé en liquidation judiciaire.
Le liquidateur judiciaire a alors demandé la réunion des patrimoines de l’entrepreneur en invoquant le défaut de mention des éléments affectés dans la déclaration d’affectation.
Le liquidateur a été débouté de ses demandes par un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Angers le 5 juillet 2016 aux motifs que l’objet d’une déclaration d’affectation est de rendre opposable aux créanciers de l’entrepreneur sa décision d’affecter à son activité professionnelle une partie de son patrimoine et non de dénoncer l’existence de biens par nature nécessaires à cette activité qui, même s’ils ne figurent pas sur la déclaration, constituent le gage des créanciers de l’activité. Dès lors, l’absence de mention des éléments affectés dans la déclaration d’affectation ne caractériserait ni une confusion des patrimoines professionnel et personnel, ni un manquement grave aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article L.526-6 du Code de commerce. Le manquement grave n’est pas non plus caractérisé au regard du fait que, d’une part, le greffe a accepté cette déclaration exempte de précision sur les éléments affectés, d’autre part, le débiteur a intentionnellement utilisé le sigle EIRL pour ouvrir un compte bancaire dédié à son activité et pour immatriculer son véhicule destiné à l’exercice de l’activité, lequel figure d’ailleurs à l’actif de son bilan.
Saisie d’un pourvoi formé par le liquidateur, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel pour violation de la loi au visa des dispositions des articles L.526-6, L.526-7, L.526-8, L.526-12 et L.621-2 alinéa 3 du Code de commerce.
La Haute juridiction estime en effet qu’il résulte de la combinaison de ces textes que l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée a l’obligation d’affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel. A cette fin, l’entrepreneur doit déposer une déclaration devant « comporter un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l’activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ».
Ainsi, comme le précise la Cour de cassation, le dépôt d’une déclaration d’affectation ne mentionnant pas ces éléments constitue un manquement grave. Ce manquement justifie en conséquence la réunion des patrimoines personnel et professionnel lors d’une procédure de liquidation judiciaire de l’entrepreneur.
Dès lors, en refusant l’approche factuelle de la Cour d’appel, la Cour de cassation apparaît comme vouloir sécuriser les créanciers et responsabiliser l’entrepreneur à responsabilité limitée.
A rapprocher : Articles L.526-6, L.526-7, L.526-8, L.526-12 et L.621-2 alinéa 3 du Code de commerce