Sur la présomption de déclaration de créance effectuée par le débiteur pour le compte du créancier

CA Poitiers, 9 janvier 2018, n°16/04395

Pour valoir présomption de déclaration de créance, l’inscription par le débiteur sur la liste des créanciers doit préciser outre le nom, le montant et la nature des créances. A défaut, le créancier qui ne déclare pas lui-même sa créance dans les délais est forclos.

Ce qu’il faut retenir : Pour valoir présomption de déclaration de créance, l’inscription par le débiteur sur la liste des créanciers doit préciser outre le nom, le montant et la nature des créances. A défaut, le créancier qui ne déclare pas lui-même sa créance dans les délais est forclos.

Pour approfondir : Le 21 décembre 2015, une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l’encontre de Monsieur Laurent S par le Tribunal de Grande Instance de Poitiers.

Le jugement ayant été publié au BODACC le 17 janvier 2016, le délai de déclaration des créances courait jusqu’au 17 mars 2016.

En suite de l’ouverture de cette procédure de liquidation judiciaire, Monsieur S a établi une liste des créanciers, déposée le 8 janvier 2016 par le Mandataire Judiciaire, laquelle comportait le nom de trois créanciers  (la MSA, la société ALICOOP et le Crédit Agricole) sans toutefois indiquer le montant des créances.

Comme l’impose la loi, le Mandataire Judiciaire a transmis des invitations à déclarer une créance aux personnes mentionnées sur cette liste, précisant le délai impératif de déclaration, en l’occurrence avant le 17 mars 2016.

Le 7 avril 2016, la société ALICOOP a déclaré sa créance entre les mains du Mandataire Liquidateur lequel lui indiquait que, compte tenu de la tardiveté de cette déclaration, cette dernière était atteinte de forclusion.

Le 29 avril 2016, la déclarante saisissait le Juge-Commissaire d’une requête en relevé de forclusion, demande que le magistrat consulaire a rejetée par ordonnance du 11 juillet 2016. La société ALICOOP a par la suite formé opposition à l’encontre de cette ordonnance, laquelle a été à son tour rejetée par jugement du 5 décembre 2016.

La déclarante a donc interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de Poitiers. A l’appui de ses prétentions, la déclarante faisait valoir l’application de l’alinéa 3 de l’article L.622-24 du Code de commerce dont les termes ont été modifiés par l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives.

En effet, l’alinéa 3 dispose désormais que : « Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa ». La déclarante faisait ainsi valoir que l’inscription par Monsieur S de sa créance sur la liste des créanciers présumait sa déclaration et qu’elle n’avait pas, en conséquence, à déclarer elle-même sa créance.

Cette argumentation est rejetée par la Cour d’appel de Poitiers laquelle indique que : « si le législateur n’a pas prescrit de forme particulière pour la déclaration de créance du débiteur pour le compte du créancier, il a toutefois posé formellement en principe que l’information portée par le débiteur à la connaissance du Mandataire ne vaut déclaration de créance qu’à condition que soit précisé le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances et que, partant, en l’absence de ces mentions il n’y a pas de déclaration de créance ».

Autrement dit,  pour que l’inscription du débiteur sur la liste des créanciers présume une déclaration de créance au nom et pour le compte d’un créancier, encore faut-il que cette dernière précise le montant, éventuellement les sommes à échoir et la date d’échéance de la créance. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce, Monsieur S n’ayant indiqué que le nom des créanciers.

Par conséquent, la société ALICOOP aurait dû déclarer sa créance à la réception de l’avis du Mandataire Liquidateur. Ne l’ayant pas réalisée dans les délais, cette dernière est donc forclose. Il en résulte que même si le législateur a entendu simplifier les procédures collectives par une présomption de déclaration, le créancier doit néanmoins toujours procéder à la déclaration de sa créance, dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC.

A rapprocher : article L.622-24 du Code de commerce, alinéa 3

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