Cass. com., 12 juillet 2017, n°16-10.793
Le principe d’irresponsabilité des créanciers posé par l’article L.650-1 du Code commerce n’est pas opposable à la caution.
Ce qu’il faut retenir : Le principe d’irresponsabilité des créanciers posé par l’article L.650-1 du Code commerce n’est pas opposable à la caution.
Pour approfondir : Pour mémoire, l’article L.650-1 du Code de commerce issu de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 pose un principe d’irresponsabilité au profit de tout créancier qui a consenti un concours à une entreprise qui fait ultérieurement l’objet d’une procédure collective. Ce même article prévoit expressément trois causes différentes de déchéance du principe d’irresponsabilité, à savoir :
- la fraude,
- l’immixtion caractérisée dans la gestion,
- la prise de garantie disproportionnée par rapport aux concours consentis.
Les dispositions de l’article L.650-1 du Code de commerce régissent ainsi les conditions dans lesquelles la responsabilité d’un créancier peut être recherchée, en vue d’obtenir la réparation des préjudices subis du fait des concours consentis, dans le cadre d’une procédure collective.
Aux termes de l’arrêt rendu le 12 juillet 2017, la Chambre commerciale de la Cour de cassation définit précisément le champ d’application de cette disposition, à l’égard des cautions.
En l’espèce, une banque consent un prêt d’un montant de 81.000 € à une société. Ce prêt est garanti par le cautionnement de son dirigeant. La société, bénéficiaire du prêt, fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. La banque poursuit la caution en exécution du cautionnement. Cette dernière cherche alors à engager la responsabilité de la banque, lui reprochant de ne pas l’avoir mise en garde contre les risques de l’endettement né de l’octroi du prêt qu’elle cautionne.
Se pose ainsi la question de savoir si une banque peut se prévaloir du principe d’irresponsabilité posé par l’article L.650-1 du Code de commerce, à l’encontre de la caution, en cas de défaillance du débiteur principal.
Dans le cadre de son pourvoi, la banque soutient que l’article L.650-1 du Code de commerce est opposable à la caution et qu’à défaut de relever d’une des trois exceptions prévue, sa responsabilité ne peut être recherchée par quiconque.
Aux termes de l’arrêt rendu le 12 juillet 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation ne partage pas cette analyse et affirme, dans cet arrêt de principe, que l’article L.650-1 du Code de commerce ne s’applique pas à la relation entre la caution et le créancier, mais seulement à celle entre le débiteur et ce dernier.
Le champ d’application de l’article L.650-1 du Code de commerce est ainsi limité ; le principe d’irresponsabilité des créanciers pour le préjudice causé par le crédit octroyé n’étant opposable qu’au débiteur principal.
La Cour de cassation se fonde notamment sur le fait que l’action de la caution contre la banque tend à obtenir, non la réparation du préjudice subi du fait du prêt consenti, lequel n’est pas nécessairement fautif, mais celle du préjudice causé par le manquement de la banque à son obligation de mise en garde, lequel se traduit par la perte de chance de ne pas souscrire le cautionnement. Dans ces conditions, les dommages et intérêts auxquels peut prétendre la caution, ne sont en aucun cas égaux au montant de la dette garantie.
Dès lors, la lecture restrictive de la Cour de cassation des dispositions de l’article L.650-1 du Code de commerce ne peut permettre aux cautions de se libérer totalement de leurs engagements, sur le seul fondement du manquement de la banque à son obligation de mise en garde.
A rapprocher : Cass. com., 17 novembre 2009, n°08-70.197