Cass. com., 6 juin 2018, n°16-23.996
L’omission volontaire, par une société, d’alerter ses créanciers de sa mise en redressement judiciaire, n’est pas de nature à faire échec à la règle de l’interdiction des poursuites individuelles qui impose aux créanciers de déclarer leur créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective.
Ce qu’il faut retenir : L’omission volontaire, par une société, d’alerter ses créanciers de sa mise en redressement judiciaire, n’est pas de nature à faire échec à la règle de l’interdiction des poursuites individuelles qui impose aux créanciers de déclarer leur créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective.
Pour approfondir : En l’espèce, en juin 2008, les époux Z ont confié à une société le remplacement de fenêtres de leur domicile. Se plaignant de malfaçons, les époux Z ont saisi, en février 2012, le juge des référés aux fins de voir désigner un expert judiciaire, lequel fut désigné par une ordonnance rendue en avril 2012. En mars 2012, la société a été placée en redressement judiciaire et un plan de redressement a été arrêté en septembre 2013.
Suite au dépôt du rapport d’expertise, les époux Z ont assigné la société débitrice en juin 2013 en réparation des préjudices subis du fait des malfaçons, sans avoir déclaré leur créance au passif de la débitrice. Un jugement rendu le 4 mars 2014 a accueilli leurs demandes.
Par un arrêt en date du 7 juillet 2016, la Cour d’appel de Douai a condamné la société débitrice à payer aux époux Z la somme de 32.757,50 € en réparation des différents préjudices subis. Les juges du fond ont considéré que la société débitrice avait omis, durant l’expertise et devant les premiers juges, de révéler sa situation juridique et de mentionner cette créance sur la liste des créanciers destinée au mandataire judiciaire, de sorte qu’il ne pouvait être reproché aux créanciers de ne pas avoir déclaré leur créance.
La société débitrice a formé un pourvoi en cassation en soutenant notamment que le jugement d’ouverture d’une procédure collective interdisait aux créanciers dont la créance était née antérieurement à ce jugement, toute action en justice tendant à la condamnation au paiement d’une somme d’argent.
Par cette décision en date du 6 juin 2018, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel en retenant que :
- D’une part, vu l’article L.622-21 du Code de commerce : « la prétendue faute ou fraude commise par [le débiteur], qui aurait sciemment omis d’alerter ses créanciers de sa mise en redressement judiciaire, à la supposer établie, n’était pas de nature à faire échec à la règle de l’interdiction des poursuites individuelles et qui imposait [aux créanciers] de déclarer leur créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective de la société [débitrice]».
- D’autre part, vu l’article L.622-26 alinéa 2 du même code : la créance des époux Z « était inopposable à la société [débitrice] pendant l’exécution du plan faute d’avoir été déclarée dans les délais, de sorte que leur demande en paiement était irrecevable ».
En effet, selon les dispositions de l’article L.622-21 du Code de commerce, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L.622-17 (créance née régulièrement après le jugement d’ouverture) et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.
Et selon les dispositions de l’article L.622-26 alinéa 2 du même code, les créances non déclarées régulièrement dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC sont inopposables au débiteur pendant l’exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.
Par cet arrêt, la Haute juridiction confirme sa jurisprudence et l’application de ces dispositions : le créancier dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective est soumis au principe d’interdiction des poursuites et l’absence de déclaration de sa créance dans les délais la rend inopposable au débiteur (Cass. com., 12 février 1991, n°89-15.165 ; Cass. com., 26 octobre 1999, n°97-11.734).
A rapprocher : Article L.622-21 du Code de commerce ; Article L.622-26 du Code de commerce ; Cass. com., 12 février 1991, n°89-15.165 ; Cass. com., 26 octobre 1999, n°97-11.734