Cass. com., 28 février 2018, n°16-19.422
La conversion de la procédure de redressement judiciaire en une procédure de liquidation judiciaire n’impose pas la constatation de l’état de la cessation des paiements, seule l’impossibilité manifeste du redressement devant être caractérisée.
Ce qu’il faut retenir : Quelles que soient les conditions dans lesquelles est intervenue l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la conversion de celle-ci en une procédure de liquidation judiciaire en application de l’article L.631-15, II, du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008, n’impose pas la constatation de l’état de la cessation des paiements, seule l’impossibilité manifeste du redressement devant être caractérisée.
Pour approfondir : En l’espèce, une société a déclaré sa créance au passif d’une société placée en procédure de sauvegarde depuis le 12 novembre 2013. Sur demande du débiteur, la procédure de sauvegarde, par un jugement du 16 janvier 2014 devenu irrévocable, a été convertie en redressement judiciaire sur le fondement de l’article L.622-10 alinéa 3 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008, prévoyant la conversion en redressement judiciaire si l’adoption d’un plan de sauvegarde est manifestement impossible et si la clôture de la procédure conduirait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements. Par un jugement du 11 avril 2014, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire.
La société créancière a formé tierce-opposition à ce jugement au motif que la cessation des paiements de la société débitrice n’avait jamais été constatée au cours de la procédure collective. Par un arrêt du 7 janvier 2016, la Cour d’appel de Versailles rejette la demande de rétractation du jugement prononçant la liquidation judiciaire du débiteur. Le créancier forme un pourvoi en cassation.
Au soutien de ses prétentions, la société créancière prétend que : « si la cessation des paiements n’a pas été constatée préalablement, lors de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou lors de la conversion de la procédure de sauvegarde judiciaire en redressement judiciaire, elle doit l’être lors de la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, en plus de l’impossibilité manifeste du redressement. »
La Cour de cassation, par un arrêt du 28 février 2018, rejette le moyen. Elle approuve la Cour d’appel d’avoir exactement énoncé que : « Quelles que soient les conditions dans lesquelles est intervenue l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la conversion de celle-ci en une procédure de liquidation en application de l’article L.631-15, II, du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008 applicable en la cause, n’impose pas la constatation de l’état de la cessation des paiements, seule l’impossibilité manifeste du redressement devant être caractérisée. »
Dans sa version antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 (celle issue de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005), l’article L.631-15 II alinéa 1 du Code de commerce, relatif à la procédure de redressement judiciaire, disposait que le tribunal pouvait à tout moment, au cours de la période d’observation, à la demande du débiteur, de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire, du ministère public, ou d’office, prononcer la liquidation judiciaire si les conditions, prévues à l’article L.640-1 du même code, étaient réunies, à savoir la cessation des paiements et un redressement manifestement impossible.
Or, désormais, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008, applicable aux faits de l’espèce, ce même article prévoit que le tribunal peut, à la demande du débiteur, de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et du ministère public ou d’office, prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
La Cour de cassation fait donc une application stricte du texte précité. Il convient de ne pas ajouter à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas.
En effet, la condition du constat de l’état de cessation des paiements ayant été supprimée par l’ordonnance du 18 décembre 2008, lors de la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire, seul doit être vérifié le fait que le redressement est manifestement impossible, peu important que la cessation des paiements n’ait pas été constatée dans le cadre de la procédure collective.
Au demeurant, au regard de l’article L.622-10 alinéa 3 du Code de commerce, la conversion d’une procédure de sauvegarde en redressement judiciaire ne nécessite également pas le constat de l’état de cessation des paiements mais simplement que celui-ci est certain et proche en cas de clôture de la procédure.
Ainsi, une société peut donc être placée en liquidation judiciaire sans pour autant que l’état de cessation des paiements n’ait été constaté à l’ouverture de la procédure collective, ni même à un quelconque autre moment de la procédure.
Ces règles évitent le cloisonnement entre les procédures et permettent au cours d’une même procédure collective d’adapter le cadre juridique à l’évolution de la situation du débiteur.
A rapprocher : L.631-15 II du Code de commerce