Sur la durée du plan de redressement des agriculteurs personnes morales

Cass. com., 29 novembre 2017, n°16-21.032

En l’état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la durée du plan de redressement pour les agriculteurs personnes morales ne peut excéder dix ans.

Ce qu’il faut retenir : En l’état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la durée du plan de redressement pour les agriculteurs personnes morales ne peut excéder dix ans.

Pour approfondir : En l’espèce, le 13 janvier 2006, une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), personne morale, placée en redressement judiciaire, a bénéficié d’un plan de redressement d’une durée de dix ans. Suivant jugement du 14 mars 2014, la durée du plan de redressement a été portée à quinze ans. Un créancier ayant interjeté appel de cette décision, un arrêt du 28 mai 2015 a annulé le jugement du 14 mars 2014 et a dit n’y avoir lieu à prorogation du plan.

Le débiteur a été débouté de son opposition contre cette décision par un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans du 31 mars 2016. La Cour d’appel a considéré que l’agriculteur personne morale ne pouvait bénéficier de la durée dérogatoire de 15 ans prévue à l’article L.626-12 du Code de commerce (article L.621-66 du Code de commerce dans sa version issue de la Loi du 25 janvier 1985).

Le débiteur a formé un pourvoi en cassation et a, parallèlement, posé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la différence de traitement entre les agriculteurs personnes morales et personnes physiques quant à la durée d’un plan de sauvegarde ou de redressement en visant la définition du terme agriculteur prévue à la seconde phrase de l’article L.351-8 du Code rural et de la pêche maritime.

L’article L.351-8 du Code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de la loi n°93-934 du 22 juillet 1993 prévoit, en ces termes, que : « Le redressement et la liquidation judiciaires des exploitations agricoles sont régis par les dispositions de la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. Pour l’application des dispositions de la loi précitée, est considérée comme agriculteur toute personne physique exerçant des activités agricoles au sens de l’article L.311-1 ».

En l’espèce, la question prioritaire de constitutionnalité posée par le débiteur personne morale portait sur la seule définition du terme agriculteur issue de la seconde phrase de l’article L.351-8 du Code rural et de la pêche maritime qui créait selon lui une inégalité de traitement entre personnes morales et personne physiques et serait contraire au principe d’égalité devant la loi.

Par décision du 28 avril 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré cette seconde phrase conforme à la constitution (Cons. const., 28 avr. 2017, n°2017-626) au motif que cette définition ne crée en elle-même aucune différence de traitement entre les agriculteurs personnes physiques et les agriculteurs personnes morales.

Toutefois, dans son communiqué, le Conseil constitutionnel, qui n’avait pas été interrogé sur les dispositions de l’article L.626-12 du Code de commerce, a précisé : « La différence de traitement alléguée par la société requérante, à supposer qu’elle existe, ne pourrait résulter que de l’article L.626-12 du Code de commerce, qui n’a pas été soumis au Conseil constitutionnel ».

Par un arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation, tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans aux motifs que la seconde phrase de l’article L.351-8 du Code rural et de la pêche maritime était conforme à la constitution et qu’ainsi les dispositions de l’article L.626-12 du Code de commerce, prévoyant une durée maximale de quinze ans pour les plans de redressement réservés aux agriculteurs, n’étaient applicables qu’aux personnes physiques et non aux personnes morales.

On peut penser que si le Conseil constitutionnel avait été interrogé sur la constitutionnalité de l’article L.626-12 du Code de commerce, la solution présente aurait probablement pu être différente.

A rapprocher : Cons. const. 28 avr. 2017, n°2017-626 ; L.626-12 du Code de commerce ; L.351-8 du Code rural et de la pêche maritime

Sommaire

Autres articles

some
L’associé sans mandat social qui s’immisce dans la gestion de la société est un dirigeant de fait
Un associé qui n’est ni salarié ni mandataire social d’une société mais qui joue un rôle de décideur, matérialisé notamment par l’utilisation d’une adresse électronique à son nom au sein de la société, doit être qualifié de dirigeant de fait…
some
La protection renforcée de la caution personne physique en cas d’adoption d’un plan de sauvegarde
La caution personne physique peut se prévaloir des dispositions adoptées dans le plan de sauvegarde vis-à-vis du créancier pour échapper au paiement, dès lors que la procédure collective est ouverte après le 1er janvier 2006, et ce indépendamment de la...
some
Formalisme de l’opposition formée contre un arrêt prononçant la liquidation judiciaire : l’exigence sévère de la Cour de cassation
Le seul mode de saisine de la cour d’appel d’une opposition à un arrêt, rendu par défaut, ouvrant une liquidation judiciaire à l’égard des associés d’une société en nom collectif, est la déclaration au greffe, de sorte que l’opposition formée…
some
Modalités de versement du capital non libéré d’une SARL en cas d’ouverture d’une procédure collective
En cas d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard d’une société à responsabilité limitée, le liquidateur judiciaire n’est pas fondé à solliciter le versement de la fraction du capital social non libéré auprès d’un associé...
some
Le caractère exclusif du recours de l’article R.624-8 du Code de commerce pour les associés de SCI
La Cour de cassation précise que l'autorité de chose jugée qui s'attache à la décision irrévocable d'admission d'une créance au passif de la liquidation d'une société civile s'impose à ses associés. Ainsi, l’associé qui n'a pas présenté la réclamation...
some
Action ne relevant pas du monopole du représentant des créanciers : nouvelle illustration
L’action en responsabilité intentée à l’encontre d’une banque pour inexécution d’un mandat de vente des titres d’une société ayant par la suite fait faillite est étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun et ne relève donc…