Cass. soc., 19 janv. 2022, n° 19-19313
La juridiction prud’homale, même en cause d’appel, n’est pas compétente pour connaître d’une demande de condamnation du liquidateur à garantir le paiement des sommes fixées au passif de la liquidation.
Une salariée licenciée pour motif économique saisit le Conseil de Prud’hommes d’une demande de fixation de son solde de tout compte au passif de la société employeuse, liquidée. Son licenciement étant intervenu au-delà des délais de garantie AGS, elle sollicite la garantie personnelle du liquidateur pour le paiement des créances à fixer. Le Conseil de Prud’hommes se déclare incompétent pour connaître de cette demande.
En cause d’appel le liquidateur, assigné à titre personnel, n’est pas représenté. La Cour d’appel de PARIS (CA Paris, Pôle 6, 2ème ch., 16 mai 2019, n° 18/11831) fait droit à la demande de la salariée, fixe au passif ses créances et condamne le liquidateur à garantie.
Sur pourvoi du liquidateur, cette décision est cassée au visa des articles R 662-3 et L 625-1 du code de commerce mais également 51 du code de procédure civile.
L’article L 625-1 du code de commerce donne compétence au Conseil de Prud’hommes pour fixer la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire.
L’article R 662-3 du même code attribue au tribunal judiciaire la connaissance des actions en responsabilité civile à l’encontre notamment des liquidateurs.
En l’espèce la salariée formulait deux demandes : une relevant de la compétence du conseil de prud’hommes (fixation au passif) et une autre relevant du tribunal judiciaire (action en responsabilité à l’encontre du liquidateur).
Pouvait-elle formuler ces deux demandes devant la juridiction prud’homale au motif que la demande de garantie était accessoire à la demande préalable de fixation ?
C’est ce qu’admettait à tort la Cour d’appel mettant en avant l’absence de compétence exclusive du tribunal judiciaire pour connaître de l’action en responsabilité du liquidateur et donc de la demande incidente en découlant.
Or la question posée n’était pas celle de la recevabilité d’une demande incidente mais une question de compétence réglée par l’article 51 du code de procédure civile suivant lequel :
– Le tribunal judiciaire connait des demandes de sa compétence et de toute demande incidente sauf celle relevant de la compétence exclusive d’une autre juridiction.
– Les autres juridictions ne connaissance que des demandes incidentes relevant de leur compétence.
Le Conseil de Prud’hommes ne peut ainsi pas connaître d’une demande relevant de la compétence d’une autre juridiction.
La Cour de cassation casse donc logiquement l’arrêt de la Cour d’appel et renvoie la demande de la salariée devant le Tribunal judiciaire.