Cass. soc., 7 juillet 2021, n°18-18.943, F+B
L’action du salarié en contestation d’un refus par l’AGS de garantir une créance, est un contentieux autonome dont la recevabilité n’est pas conditionnée par l’existence d’une procédure collective en cours.
Un salarié licencié pour motif économique en 1991 dans le cadre d’un redressement judiciaire voit sa créance en partie contestée par l’AGS en raison du plafond de garantie. La procédure collective de la société fait l’objet d’une clôture en 2001.
En 2013, soit après la clôture de la procédure collective mais dans le délai de prescription de l’époque, le salarié conteste le plafond appliqué et saisit le Conseil de prud’hommes.
L’AGS oppose au salarié l’irrecevabilité de son action en invoquant deux moyens :
- L’action devait être introduite avant la clôture de la procédure collective ;
- La créance non garantie ayant été fixée sur l’état des créances, elle est définitivement admise pour le salarié et ne peut donc plus faire l’objet d’une garantie.
Le Conseil de prud’hommes de Bordeaux, en sa formation de départage, condamne l’AGS à garantir la créance contestée. La cour d’appel confirme cette condamnation et la Haute juridiction rejette le pourvoi de l’AGS.
Rendue sur le fondement de disposition de la loi du 25 janvier 1985 recodifié à droit constant, la décision de la Cour de cassation reste d’actualité.
Dans un attendu de principe général, la Cour de cassation juge qu’« [a]ucune forclusion n’est opposable à l’exercice de l’action (…) tendant à contester le refus de l’AGS de régler tout ou partie d’une créance figurant sur un relevé des créances résultant d’un contrat de travail. »
L’AGS considérait intervenir exclusivement en garantie de créances présentées sur un relevé établi par un organe de la procédure collective. La clôture mettant fin à la mission des organes de la procédure, elle considérait donc ne plus avoir d’obligation à garantie.
Ce raisonnement, construit sur une prémisse erronée, est, à juste titre sanctionné par la Cour de cassation.
Le relevé de créance n’est en effet pas nécessairement établi par un mandataire judiciaire, l’article L.3253-15 du Code du travail prévoyant expressément, à défaut de mandataire judiciaire, l’établissement d’un relevé par le greffier du tribunal de commerce notamment quand il a été mis fin à la mission du premier.
Implicitement, la Cour de cassation valide également la décision de cour d’appel en ce qu’elle a jugé que le délai de forclusion de deux mois prévus par l’article L.625-1 du Code de commerce, n’est pas applicable à l’action introduite au visa de l’article L.625-4 du Code de commerce pour contester un refus de garantie.
Le second moyen n’est pas moins riche d’enseignement en ce qu’il décorrèle la question de la fixation au passif de la garantie AGS.
La créance pour laquelle l’AGS avait refusé sa garantie avait en effet été inscrite sur l’état déposé au greffe et donc admise au passif au bénéfice du salarié, suivant son rang de créance propre. L’AGS en déduisait l’irrecevabilité de la demande de garantie.
La Haute juridiction confirme qu’il n’existe aucune indivisibilité entre la fixation d’une créance au passif et une décision de justice déterminant l’étendue de la garantie de l’AGS, précisant même qu’en application de la législation alors en vigueur, le représentant des créanciers n’avait pas à se prononcer sur la garantie lors de l’établissement du relevé.
Le contentieux de la garantie AGS est donc bien un contentieux autonome.
A rapprocher : Article L.625-4 du Code de commerce ; Article L.3253-15 du Code du travail ; Cass. soc., 14 décembre 2017, n°16-21.026 (clôture pour insuffisance – désignation mandataire ad litem)