Cass. com., 24 mars 2021, n°20-13.832
La cotisation foncière des entreprises (CFE) due par le débiteur au titre de ses locaux professionnels, lorsqu’elle est née pendant la période d’observation, est une créance qualifiée de « méritante » au sens de l’article L.622-17 du Code de commerce et doit donc être payée à son échéance.
Une société (le débiteur) a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, suivi d’un plan de cession, avant qu’une procédure de liquidation judiciaire ne soit prononcée, avec autorisation de poursuite d’activité.
Postérieurement à la mise en liquidation, le liquidateur a reçu deux avis à tiers détenteur de la part de l’administration fiscale pour obtenir le paiement de la cotisation foncière des entreprises (CFE) due par le débiteur pour deux de ses établissements au titre de l’année 2014, date à laquelle le redressement judiciaire était ouvert et la période d’observation en cours.
Le liquidateur a alors engagé une procédure en demande de mainlevée des avis à tiers détenteur, pour tenter d’échapper au paiement de la CFE, ce que la cour d’appel a accepté. En effet, après avoir pourtant constaté que la CFE était d’origine légale, qu’elle était née postérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et qu’elle était liée aux locaux utilisés, la cour d’appel a curieusement refusé de donner à cette créance un caractère privilégié, considérant qu’elle n’était pas la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant la période d’observation, qu’elle n’était ni utile à la conservation des locaux, ni inhérente à l’activité de la société, et encore moins directement issue d’opérations ou d’actes faits pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation qu’elle n’a notamment pas servi à financer.
En effet, selon l’article L.622-17 I du Code de commerce, les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont considérées comme étant des créances privilégiées, ce qui implique qu’elles sont payées à leur échéance.
La Cour de cassation censure le raisonnement adopté par la cour d’appel en rappelant que la CFE, dès lors qu’elle est née (le 1er janvier) en cours de période d’observation, entre dans les conditions posées par l’article L.622-17 du Code de commerce. En effet, la CFE, calculée à partir de la valeur locative des biens immobiliers soumis à la taxe foncière que les entreprises utilisent pour leur activité professionnelle, constitue, pour les entreprises qui y sont assujetties, une obligation légale et est inhérente à l’activité poursuivie après le jugement d’ouverture et entre, en conséquence, dans les créances qualifiées en pratique de créances « méritantes ». Il en ressort que le créancier titulaire d’une telle créance fiscale n’est pas soumis à l’arrêt des poursuites individuelles et peut donc poursuivre le débiteur pour en obtenir le paiement.
A rapprocher : Article L.622-17 du Code de commerce ; CA Versailles, 17 décembre 2019, 13ème chambre, n°18/08.462