Cass. com., 20 janvier 2021, n°19-13.539
Au visa des articles 1355 du Code civil, 583 du Code de procédure civile et R.624-8, alinéa 4 du Code de commerce, la Cour de cassation précise que l’autorité de chose jugée qui s’attache à la décision irrévocable d’admission d’une créance au passif de la liquidation d’une société civile s’impose à ses associés. Ainsi, l’associé qui n’a pas présenté la réclamation prévue par l’article R.624-8 du Code de commerce, dans le délai fixé par ce texte est sans intérêt à former tierce-opposition à la décision, antérieure, condamnant la SCI au paiement de ladite créance et sur le fondement de laquelle celle-ci a été admise.
Dans cette espèce, une banque a consenti deux prêts à une société civile immobilière les 27 mars et 24 avril 2007.
Par un arrêt du 24 mars 2011, devenu irrévocable le 28 juin 2012, la Cour d’appel de Bourges a condamné la SCI à payer à la banque diverses sommes dues au titre de ces prêts.
La SCI a ensuite été placée en redressement judiciaire le 3 février 2014 puis en liquidation judiciaire le 9 février 2015 et les créances déclarées par la banque, sur le fondement de l’arrêt du 24 mars 2011, ont été admises par une ordonnance du juge-commissaire du 2 février 2015.
La banque a alors assigné les associés de la SCI, tenus en tant que tels des dettes de celles-ci à proportion de leur part dans le capital social. Parallèlement, les associés ont formé tierce-opposition à l’arrêt du 24 mars 2011 et ont demandé l’annulation des deux contrats de prêt et le rejet de la demande en paiement formée par la banque contre la SCI.
La Cour d’appel de Bourges, par un arrêt du 17 janvier 2019, a déclaré recevable la tierce opposition formée par les associés, a jugé que les contrats de prêt étaient nuls pour non-conformité à l’objet social et a, en conséquence, rejeté les demandes en paiement fondées sur les deux contrats de prêt.
Dans ces circonstances, la banque a formé un pourvoi en cassation, en se fondant, notamment, sur l’article R.624-8 alinéa 4 du Code de commerce qui dispose : « Tout intéressé peut présenter une réclamation devant le juge-commissaire dans le délai d’un mois à compter de la publication [de l’état des créances]. » estimant, en application de cette disposition, que faute d’avoir formulé la moindre réclamation, les associés de la SCI n’avaient pas d’intérêt à former tierce opposition à l’encontre de l’arrêt du 24 mars 2011, antérieur à la procédure collective.
La Haute Cour a fait droit aux demandes de la banque, et a rendu, au visa des articles 1355 du Code civil, 583 du Code de procédure civile et R.624-8, alinéa 4 du Code de commerce, la décision suivante :
« L’autorité de chose jugée qui s’attache à la décision irrévocable d’admission d’une créance au passif de la liquidation d’une société civile s’impose à ses associés, de sorte que, s’il n’a pas présenté contre une telle décision la réclamation prévue par l’article R.624-8 du Code de commerce, dans le délai fixé par ce texte, l’associé d’une société civile en liquidation judiciaire est sans intérêt à former tierce-opposition à la décision, antérieure, condamnant la société au paiement de ladite créance et sur le fondement de laquelle celle-ci a été admise. »
La Cour de cassation estime donc que faute d’avoir formé la moindre contestation de l’état des créances dans le délai d’un mois à compter de la publication, l’autorité de chose jugée attachée à l’admission au passif est opposable aux associés, qui ne sont plus en mesure de former opposition.
La Chambre commerciale estime que l’associé de la SCI doit être considéré comme les autres tiers intéressés, en premier lieu desquels figurent les cautions du débiteur de la procédure collective. A ce titre, la Cour de cassation avait déjà estimé que les cautions du débiteur pouvant former réclamation contre l’état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce par le juge-commissaire, en qualité de tiers intéressés conformément aux dispositions de l’article R.624-8 du Code de commerce, la tierce opposition contre l’arrêt confirmant l’ordonnance d’admission de la créance ne leur est pas ouverte. (Cass. com., 6 décembre 2011, n°10-25.571). La Chambre commerciale a d’ailleurs adopté une position similaire s’agissant du garant autonome (Cass. com., 29 avr. 2003, n°99-15.544) ou du constituant d’une sureté réelle (Cass. com., 18 janv. 2017, n°15-10.752).
A rapprocher : Cass. com., 8 mars 2017, n°15-22.987 ; Cass. com., 29 avr. 2003, n°99-15.544 ; Cass. com., 18 janv. 2017, n°15-10.752