Cass. com., 6 janvier 2021, n°19-21.830
Le créancier, dont la créance admise n’a pas été totalement réglée dans le cadre d’un plan de continuation, recouvre son droit de poursuite individuelle contre le débiteur lorsque le plan de continuation est arrivé à son terme, sans avoir fait l’objet d’une décision de résolution. Toutefois, le créancier ne peut prétendre au recouvrement que des sommes dues en vertu de ce plan ainsi qu’en vertu des accords auxquels il se réfère, et qui peuvent notamment comporter des abandons de créance.
En l’espèce, par acte daté du 28 septembre 1990, l’établissement U consent à la société R un prêt d’un montant de 1.372.041,16 € au taux de 11,15 % l’an, en vue de financer l’acquisition d’un immeuble.
Par jugement rendu le 14 avril 1994, la société R est placée sous procédure de redressement judiciaire.
Par la suite, et dans le cadre de la préparation de son plan de continuation, la société R obtient de l’établissement U un abandon partiel de la créance susvisée ainsi qu’un réaménagement des conditions d’amortissement du prêt renégocié.
Par jugement du 8 février 1996, le plan de continuation de la société R est arrêté, ce dernier prévoyant notamment le paiement de 100 % du passif admis sur 9 annuités, hors créance de l’établissement U.
A cet égard, il convient de préciser que le plan susvisé prenait expressément acte de l’accord conclu entre la société R et l’établissement U portant sur l’abandon partiel de créance susvisé ainsi que le réaménagement du prêt renégocié.
Près de 4 ans après l’arrêt de son plan de continuation, la société R décide de procéder à un remboursement anticipé du prêt susvisé tel qu’il a été renégocié, et sollicite, pour ce faire, la communication du tableau d’amortissement du prêt, actualisé, ce à quoi l’établissement U s’oppose, obligeant ainsi la société R à saisir la juridiction compétente afin d’en obtenir la communication, sous astreinte.
Après une première décision d’instance, l’affaire est portée en cause d’appel, les juges du fond faisant droit à la demande de la société R, et enjoignant à l’établissement U de communiquer sous astreinte un tableau d’amortissement du prêt susvisé, ce qui conduit l’établissement U à transmettre ledit tableau.
Au cours de l’exercice 2011, l’établissement U sollicite la résolution du plan de continuation de la société R, cette dernière ayant cessé de verser les échéances mensuelles depuis la fin de l’année 2002.
Cette demande est rejetée par jugement rendu le 15 décembre 2011, le plan de continuation de la société R étant arrivé à son terme.
Par jugement rendu le 3 septembre 2015, la société R est, de nouveau, placée sous procédure de redressement judiciaire.
C’est dans ce contexte que la société N, cessionnaire de la créance de l’établissement U, déclare au passif de la société R une créance ne tenant pas compte de l’abandon partiel susvisé, ce qui conduit la société R à contester le montant déclaré.
Après une première décision d’instance, l’affaire est portée devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, laquelle déboute la société R de sa demande, estimant que le bénéfice de l’abandon de créance partiel ne lui était pas acquis faute d’avoir honoré les échéances mensuelles au terme du plan, arrivé à échéance au mois de mars 2011.
La société R décide alors de former un pourvoi en cassation, estimant que si le créancier, dont la créance admise n’a pas été totalement réglée, recouvre son droit de poursuite individuelle contre le débiteur lorsque le plan de continuation est arrivé à son terme sans avoir fait l’objet d’une décision de résolution, seules les sommes dues en vertu de ce plan ou des accords auxquels il se réfère peuvent être réclamés par le créancier.
Autrement dit, en l’absence de résolution du plan de continuation susvisé, l’établissement U ne pouvait prétendre qu’au paiement de la créance, déduction faite de la remise partielle effectuée dans le cadre du plan de continuation.
Par arrêt rendu le 6 janvier 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation confirme l’analyse de la société R, ce qui la conduit à casser et annuler l’arrêt susvisé.
En effet, la Cour suprême rappelle que lorsque le plan de continuation est arrivé à son terme sans avoir fait l’objet d’une décision de résolution, le créancier, dont la créance admise n’a pas été totalement réglée, recouvre son droit de poursuite individuelle contre le débiteur, et ce uniquement pour les sommes dues en vertu de ce plan ou des accords auxquels il se réfère.
Autrement dit, le plan de continuation de la société R n’ayant pas été résolu avant son terme, et ce alors même qu’il semble qu’elle n’ait pas respecté ses obligations, l’abandon de créance partiel consenti par l’établissement U est ainsi opposable à la société N, cessionnaire de la créance litigieuse.
Cette décision n’est pas surprenante, la jurisprudence ayant d’ores et déjà eu l’occasion de se prononcer en ce sens (Cass. com., 15 septembre 2017, n°15-23.044).
En outre, cette décision apparaît conforme aux dispositions légales actuelles, les dispositions des articles L.621-65 et L.621-82 du Code de commerce, respectivement relatifs à l’opposabilité du jugement d’arrêt du plan de continuation ainsi qu’à la résolution dudit plan, ayant été reprises en substance aux nouveaux articles L.626-11 et L.626-27 du même code.
A rapprocher : Articles L.621-65, L.621-82, L.626-11 et L.626-27 du Code de commerce ; Cass. com., 13 septembre 2017, n°15-23.044