Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020
Par Geoffroy BERTHELOT Mandataire judiciaire associé, professeur affilié à Sciences Po Paris.
L’ordonnance n° 2020–596 du 20 mai 2020, à l’instar des ordonnances nos 2020–306 du 25 mars 2020, 2020 341 du 27 mars 2020 et 2020-560 du 13 mai 2020, aménage temporairement le droit des entreprises en difficulté. Ces modifications ont trait, pour l’essentiel, à la durée des procédures qui sont accélérées et/ou prolongées. Certaines mesures ont, quant à elles, vocation à renforcer l‘attractivité de la conciliation et à favoriser l’adoption et l’exécution des plans.
Ord. no 2020-306, 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période : JO, 26 mars 2020 – Ord. n° 2020-341, 27 mars 2020, portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale : JO, 28 mars 2020 – Ord. n° 2020 560, 13 mai 2020, fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire : JO, 14 mai 2020 – Ord. no 2020-596, 20 mai 2020, portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de Covid–19: JO, 21 mai 2020.
« Il faut être sobre de nouveautés en matière de législation ». En effet, le changement n’est jamais rassurant, de surcroît – dirons-nous – en période de crise économique qui succède à une crise sanitaire sans précédent.
Pourtant, 2 mois seulement après l’avènement de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, le législateur vient la modifier et la compléter en aménageant, certes temporairement, le droit des entreprises en difficulté à travers l’ordonnance no 2020-596 du 20 mai 2020.
Ces aménagements célères et temporaires sont commandés par le contexte de crise économico-sanitaire dans lequel le droit des entreprises en difficulté reste un outil précieux et complémentaire aux mesures d’accompagne ment gouvernementales pour assurer la pérennité des entreprises qui subissent une dégradation de leur situation de trésorerie causée ou aggravée par la pandémie de Covid-19.
Aménager le droit des entreprises en difficulté a un sens lorsqu’il s’agit d’accompagner les entreprises. Le Livre VI du Code de commerce, sans constituer à proprement parler un livre de chevet, reste une boite à outils au service des débiteurs leur permettant, accompagnés par des professionnels de qualité, de trouver la solution idoine à leurs problèmes de trésorerie contemporains.
Ainsi, l’idée de favoriser son recours, de faciliter les dispositifs et d’aménager leur temporalité ne peut qu’emporter l’adhésion.
Cette ordonnance du 20 mai 2020 compte des dispositions d’application de la loi dans le temps, d’information et également de facilitation du rebond qui seront rapidement parcourues, avant de s’attarder sur les quelques aménagements substantiels.
Tout d’abord, l’ordonnance, qui ne comprend que 11 articles, précise en son article 10 que la plupart de ses dispositions s’appliquent non seulement aux procédures en cours, mais également à celles qui seront ouvertes durant la période juridiquement protégée, jusqu’au 31 décembre 2020 inclus. D’autres, par exception et s’inspirant de la directive du 20 juin 2019, sont quant à elles applicables jusqu’à sa transposition et au plus tard jusqu’au 17 juillet 2021 inclus. De surcroît, en son article 10, l’ordonnance « fige l’état d’urgence sanitaire au 23 mai, et neutralise et rompt ainsi avec l’aléa de la prorogation de la “durée » stricto sensu de l’état d’urgence sanitaire ».
Ensuite, l’article 1 précise que le commissaire aux comptes peut informer davantage en amont le président du tribunal dans le cadre de la procédure d’alerte et peut, le cas échéant, demander à être entendu afin de renforcer l’information du président en vue de la détection précoce des difficultés des entreprises.
Puis, après la loi PACTE et son décret du 5 juin 2018, qui avaient ramené à 2 ans le délai de radiation de certaines mentions portées d‘office sur le registre du commerce et des sociétés, l‘ordonnance le réduit à 1 an pour les plans de sauvegarde et de redressement. On relève également l‘inapplicabilité des seuils d‘éligibilité à la sauvegarde accélérée et à la sauvegarde financière accélérée dans le dessein d‘en faciliter le recours.
Ensuite, la procédure de liquidation judiciaire simplifiée voit ses conditions d‘ouverture étendues puisque sont écartées les conditions de seuils pour toute per sonne physique dont le patrimoine ne comprend pas de bien immobilier. Cependant, si le nombre de salariés du débiteur au cours des 6 mois précédant l‘ouverture de la procédure est supérieur à 5, le tribunal peut décider de ne pas y recourir. En outre, les garanties de l’AGS sont étendues. Puis la procédure de rétablissement professionnel voit son seuil d’éligibilité rehaussé de 5 000 € à 15 000 € concernant la valeur de l’actif.
Enfin, l‘article 7 aménage les dispositions relatives à la cession de l‘entreprise. En effet, son alinéa 2 réduit de 15 à 8 jours le délai de convocation des créanciers bénéficiant de sûretés et des cocontractants dont le contrat fait l‘objet d‘une demande de transfert par le candidat à la reprise. Cet aménagement permettra d‘accélérer les cessions d‘entreprises. De surcroît, l‘ordonnance permet au tribunal– certes temporairement mais non sans controverse –, sur requête du débiteur ou de l‘administrateur judiciaire, d‘autoriser la cession au débiteur, aux dirigeants de droit ou de fait, et à leurs parents ou alliés jusqu‘au 2e degré inclusivement, directement ou par personne interposée. Cependant, la requête à l‘initiative du ministère public demeure, et dans l‘hypothèse où la requête serait à l‘initiative du débiteur ou de l‘administrateur judiciaire, le tribunal statuera toujours par décision motivée mais après avoir recueilli l’avis du ministère public. Les praticiens n‘ont pas lieu de s‘inquiéter de cette dernière mesure qui ne devrait être que rarement utilisée dans des cas légitimés et par des décisions motivées et, en toute hypothèse, elle est fort heureusement limitée dans le temps puisqu‘applicable jusqu‘au 31 décembre 2020 inclus.