Cass.com., 17 juin 2020, n°19-13153
D’une part, une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l’obligation d’autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n’est pas son débiteur. D’autre part, la cession de créance à titre de garantie ne transfère au cessionnaire la propriété que de la créance cédée. Dans ces conditions, des crédits-bailleurs, créanciers uniquement au titre de la créance née d’un contrat de crédit-bail à l’égard d’une SCI, n’avaient pas à être admis au passif de la procédure collective de la holding de cette SCI.
Dans le cadre d’un contrat de crédit-bail immobilier, des crédits-bailleurs ont conclu avec une SCI sur un ensemble immobilier. Ce dernier est sous-loué au profit de la société holding de la SCI. En garantie de la bonne exécution du contrat de crédit-bail, les crédits-bailleurs se font consentir par la holding un nantissement sur les parts qu’elle détient dans le capital de la SCI et, par la SCI, une cession de créance portant sur les sous-loyers reçus de la société mère.
Par deux jugements du 7 octobre 2016, la SCI a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde et la société holding a été mise en redressement judiciaire. Les crédits-bailleurs ont alors déclaré une créance au passif de la procédure de la société holding au titre des garanties qui lui avaient été consenties. Cette créance a été contestée et la Cour d’appel d’Orléans rejette son admission, au motif que le créancier inscrit n’étant pas créancier du tiers détenteur, il ne pouvait déclarer aucune créance à ce titre au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre du tiers détenteur.
Les crédits-bailleurs forment alors un pourvoi en cassation en soutenant que, si le nantissement de parts sociales ne constitue pas un engagement personnel à la dette d’autrui, il confère néanmoins à son bénéficiaire, en cas de vente du bien nanti, le droit de percevoir la quote-part du prix correspondant au montant garanti.
Ils soutiennent, en outre, que la cession de créance, même effectuée à titre de garantie, transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée de sorte que le cédant n’a plus qualité pour déclarer cette créance à la procédure collective ouverte contre le débiteur cédé, seul le cessionnaire disposant de cette faculté.
Si la Cour de cassation, par un arrêt rendu en 1993, avait admis qu’un créancier doit toujours, au regard du lien personnel de créance qu’il le lie à la caution, laquelle devient sa codébitrice en cas de défaillance de l’emprunteur principal, déclarer au passif d’une caution dès lors que le cautionnement a été conclu avant le jugement d’ouverture de la procédure collective, il en va autrement des sûretés réelles. En 2005, la Chambre mixte de la Haute juridiction avait déjà posé en principe que le nantissement de parts sociales ne constitue pas un engagement personnel à la dette d’autrui et se distingue dès lors du cautionnement, sûreté personnelle : « Mais attendu qu’une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui et n’étant pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas ».
La décision présentement commentée s’inscrit dans la droite ligne de cette solution. En confirmant les juges du fond, la Cour de cassation rappelle qu’une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l’obligation d’autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n’est pas son débiteur. Elle rejette également le moyen au pourvoi au motif que la cession de créance à titre de garantie ne transfère au cessionnaire la propriété que de la créance cédée, soit en l’espèce la créance de sous-loyers, et non celle de la créance garantie.