Cass. com., 3 avril 2019, n°18-10.469
Le juge de droit commun est compétent pour connaître de l’action d’une banque en remboursement du solde du prêt consenti au débiteur après l’ouverture de sa liquidation judiciaire…
…L’application par le juge des règles du droit des procédures collectives pour déterminer les conséquences du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire ne suffit pas à soumettre cette action à l’influence juridique de la procédure collective, donc à la compétence du tribunal de la procédure.
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En l’espèce, un débiteur a été mis en liquidation judiciaire, en tant qu’associé d’une SNC (Société en Nom Collectif), le 14 décembre 1994 par jugement du tribunal de commerce de Paris. Il convient de rappeler que l’article 178 de la loi du 25 janvier 1985, applicable à la procédure collective dont s’agit, disposait :
« Le jugement qui ouvre le redressement ou la liquidation judiciaire de la personne morale produit ses effets à l’égard de toutes les personnes membres ou associées de la personne morale et indéfiniment et solidairement responsables du passif social ».
Un arrêt d’appel du 30 juin 2015, devenu irrévocable, avait jugé que le débiteur était toujours en liquidation judiciaire, en sa qualité d’associé de la SNC.
Le 23 décembre 2012, une banque lui avait consenti un prêt d’un montant de 18 900 000 €. Le 28 juillet 2014, la banque, ayant constaté la défaillance du débiteur (associé de la SNC), a assigné ce dernier devant le Tribunal de grande instance de Paris, juridiction de droit commun, en remboursement du solde impayé du prêt.
Le débiteur a soulevé l’incompétence du Tribunal de grande Instance de Paris au profit du tribunal de commerce de Paris, tribunal de sa procédure collective. Le 16 mai 2017, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Paris a rendu une ordonnance par laquelle il a rejeté cette exception d’incompétence.
Le débiteur a formé un recours contre cette décision devant la cour d’appel de Paris. Cette dernière a jugé par un arrêt du 10 novembre 2017, que le tribunal de commerce de Paris, en sa qualité de tribunal de la procédure, était compétent. La cour a considéré que la liquidation judiciaire du débiteur influait sur l’action engagée par la banque. La cour d’appel de Paris a plus spécifiquement estimé que l’action de la banque était soumise à l’influence de la procédure collective dès lors que la liquidation judiciaire entraînait des conséquences sur la capacité du débiteur à contracter un prêt engageant un patrimoine dont il était censé être dessaisi.
La banque a formé un pourvoi. La Cour de cassation, au visa de l’article 174 du décret n°85-1388 du 27 décembre 1985 dont les dispositions ont été reprises au sein de l’article R.662-3 du Code de commerce, a censuré l’arrêt d’appel.
De manière constante, la jurisprudence juge que le tribunal saisi d’une procédure collective est compétent pour connaître des contestations nées de cette procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique (Cass. com., 8 juin 1993, n°90-13.821).
En l’espèce, la Cour de cassation a estimé que ce n’est pas parce que, pour trancher le litige, le juge de droit commun doit faire appel aux règles du droit des procédures collectives en matière de dessaisissement que le litige est nécessairement soumis à l’influence de la procédure collective.
La Cour de cassation retient donc une conception restrictive de la notion d’influence de la procédure collective, qui tranche avec la position adoptée jusqu’alors par cette même cour. En effet, la Haute Cour avait jugé en sens inverse dans le cadre d’une action en inopposabilité intentée par le liquidateur judiciaire (Cass. com., 4 octobre 2005, n°04-12.610).
A rapprocher : Cass. com., 4 octobre 2005, n°04-12.610 ; Cass. com., 8 juin 1993, n°90-13.821